Aya Nakamura : à quand, l’Académie française ?

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Que la chanteuse française d’origine malienne Aya Nakamura cartonne en France, dans les pays francophones et même dans le monde entier est indéniable. Elle est même l’artiste française la plus écoutée de la planète. On ne peut pas mieux, actuellement. À coups de dizaines de millions de vues sur les réseaux sociaux, Nakamura s’avère une véritable bombe atomique médiatique : « Tu veux tout bombarder, bom-bom, bombarder, hey/Tu veux tout bombarder, bombarder ouais », scande-t-elle, dans « Copines ». Mais celle qui chante aussi, toujours dans « Copines », ces paroles, peut-être autobiographiques, « J'suis pas ton plan B, t'as maté le fessier », doit peut-être plus son succès à ses clips et rythmes qui déménagent grave qu’à sa prose proprement dite.

Une prose, a priori, qui ne semble pas avoir été inspirée par la lecture assidue du comte de Lautréamont, le soir, « au clair de la lune, près de la mer dans les endroits isolés de la campagne... » Prenez son clip Pookie (plus de 261 millions de vues sur YouTube depuis avril 2019), autre chef-d’œuvre en or massif : « J’suis gang, hors game/Boy ne joue pas, bang bang bang », chante-t-elle, entourée de charmants garçons, dans une galerie du château de Fontainebleau (Buckingham Palace ne devait pas être dispo). Des paroles qui peuvent évoquer, pour certains, la chanson « Bang Bang » interprétée, dans les années soixante, par Sheila, et pour d’autres, des soirées dispensées de distanciation physique et n’ayant rien à voir avec celles de l’ambassadeur.

Certes, tout cela est fort joli, convenons-en. Mais de là à affirmer qu'Aya « réinvente des expressions françaises », comme vient de le déclarer un député LREM dont on a déjà oublié le nom, il faudrait peut-être voir à ne pas déconner, franchement ! Pardon pour ce dérapage grossier tout à fait contrôlé mais, des fois, ça soulage. Durant ce débat essentiel sur la glottophobie et autres questions essentielles liées aux discriminations à cause de l’accent, ce député s’est emballé en déclarant : « Quand je vois des jeunes comme Aya Nakamura qui, aujourd'hui, par sa chanson, est en train de réinventer un certain nombre d'expressions françaises, ça me paraît absolument remarquable. » Et d’ajouter : « Elle est en train de porter au niveau international de nouvelles expressions et évolutions de la langue. Et ça, ce sont des choses extrêmement fortes. » Aya Nakamura : à quand, l’Académie française ? Visiblement, l’emballement de ce député pour la déesse noire est tout à fait récent, une conversion faite derrière un pilier, non pas de Notre-Dame, mais du palais Bourbon, car on le voit reprendre ses notes, sans doutes préparées à la va-vite par un d’jeun collaborateur, pour retrouver le nom de la diva.

Réinventer ? Carrément. Cela voudrait donc dire qu’Aya Nakamura puise dans le français d’autrefois, jadis ou naguère pour remettre au goût du jour de vieux mots ou expressions françaises qui ne demandent que ça. Par exemple, je ne sais pas, « potron-minet », « guingois », « bambocher », « godelureau ». Rien de cela dans la prose d'Aya Nakamura. En fait, un mélange de franglais, verlan et d’onomatopées. « Toi tu planes-planes-planes que la nuit (que la nuit)/Tu crois qu’j’ai ton time, à ton avis ? (À ton avis). » « Ferme, ferme la porte, t'as la pookie dans l'sas. » « T’es mimi, dis-le moi, doudou/Prouve-le moi, doudou. » Des mots qui vont très bien ensemble, comme Michelle et ma belle, avec le rythme, la musique et la chorégraphie d'Aya. De là à y voir la vitrine internationale de la langue française et de son évolution ? Quoique, vous m'direz…

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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