En Alsace, le féminisme à deux vitesses…

Deux affaires symptomatiques ont animé l'Alsace en août.

La première a eu un écho national : l'affaire des silhouettes de Dannemarie, un village du sud de l'Alsace. Le maire, Paul Mumbach, a décidé de faire de 2017 l'année de la femme dans sa commune.

Diverses initiatives ont ainsi eu lieu : une exposition sur le rôle des femmes durant la Première Guerre mondiale, l'inauguration d'une rue Monique-Wittig (une féministe née à Dannemarie). Jusque-là, rien d'extravagant.

Puis la mairie a installé sur l'ensemble de la commune des silhouettes de femmes. De tous types : écolières, femmes enceintes, jeunes mères de famille, en maillot de bain, au shopping ou encore plutôt de style businesswoman. Il y avait même Betty Boop et Marilyn Monroe.

Toutes étaient-elles de bon goût ? Cela peut se discuter. Mais ce n'est pas le sujet. Une association de féministes, Les Effronté-e-s, s'est saisie du dossier et a décidé de combattre ces silhouettes qui véhiculent des "stéréotypes de genre oppressants". Cible facile ! Un village alsacien, de braves gens, un maire à l'air bonhomme. Une cible moins périlleuse que les harcèlements de rue à Paris qui n'ont pour cause que l'étroitesse des trottoirs.

Plus incroyable encore, le tribunal administratif de Strasbourg a ordonné à la municipalité de retirer les silhouettes, moyennant 500 euros d'amende par jour de retard. Choqués par cette décision liberticide, les habitants de la commune soutiennent majoritairement leur maire. "Touche pas à ma silhouette" est devenu le nouveau slogan en vogue à Dannemarie. Les habitants ont "adopté" les silhouettes pour les mettre dans leurs jardins ou sur leurs balcons.

Qu'à cela ne tienne : la mairie est de nouveau attaquée pour lui demander de faire en sorte que les silhouettes ne soient plus visibles depuis l'espace public. Prochaine étape, le GIGN anti-silhouettes sur les balcons et les associations de nains qui vous poursuivront en justice pour vos nains de jardin ? Verdict de ce gag tragique d'ici quelques jours en appel au Conseil d'État.

Quelques jours plus tard, à Bischheim, au nord de Strasbourg, une coach sportive d'origine ukrainienne enflammait les réseaux sociaux. Son tort ? Avoir publié sur son compte Facebook des photos de personnes profitant de "Strasbourg Plage", accompagné d'un commentaire sur le fait qu'une majorité des femmes étaient voilées - ce qu'elle trouvait choquant.

Des milliers d'utilisateurs de Facebook ont rapidement identifié le lieu de travail de la coach et inondé de messages son employeur, qui a très rapidement annoncé la mise à pied de son employée.

Comme la coach le reconnaîtra ultérieurement, il eût été préférable de masquer le visage des personnes, mais pour le reste, elle n'a pas renié ses propos. Elle a notamment évoqué rencontrer régulièrement des femmes qui aimeraient faire du sport mais en sont empêchées par leur mari.

Outre les menaces de boycott, les injures à l'endroit de la coach ont également été légion. Cette fois-ci, ce n'était pas vraiment une histoire de "stéréotypes de genre oppressants", c'était plutôt des stéréotypes sur les femmes ukrainiennes : "Retourne dans ton pays de prostituées", "sale merde t'es même pas française", "le droit à l'image on en parlera quand tu passeras sur tous les pornos du web chienne que tu es".

Quand on vit une époque où Ayman qualifie Julia d'"immigrée de merde", on peut se dire qu'on vit vraiment une époque intéressante.

Le CCIF (Collectif contre l'islamophobie en France) a annoncé sa volonté de saisir la justice. Personne ne semble s'être, en revanche, encore intéressé aux injures à l'encontre de la coach. Pas même les défenseurs des femmes.

Et sur cette histoire, quid des Effronté-e-s ? Silence radio. Surement trop occupées à traquer des silhouettes en carton chez les ploucs sexistes.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/09/2024 à 16:40.

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Nicolas de Lamberterie
Journaliste à TVLibertés

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