Ah, l’amour ! L’amour de l’amour…

amour

Le Petit Robert est un petit futé. Il s’adapte à l’air du temps en choisissant d’ajouter, dans son dictionnaire de l’an de grâce 2021, les mots de « grossophobie », de « transphobie », de « sérophobie » ainsi que pléthore d’autres noms exotiques (à quand, l’entrée de « négrophobie » ?). Nul ne doute que les peureux chevaliers aux épées émoussées de l’Académie française - temple de la langue ne protégeant plus grand-chose - entérineront bientôt la validité de ces charmants néologismes.

Voici l’histoire étonnante que m’a relatée un proche (sans doute fragilisé par ces vents mauvais qui mugissent aujourd’hui en tornades démentes) avant qu’il ne disparaisse à jamais dans les geôles progressistes.

« C’est décidé ! Je n’en peux plus, je suis perdu… demain, j’arrête d’être un phobe ! C’est vraiment dur d’être affligé de cette conformation d’esprit, de cette lèpre des pensées, dur de rechigner à se prosterner, à s’agenouiller devant les idoles de l’amour total. Ça ne m’a pas réussi dans la vie, pas aidé à réussir ma vie que d’être un handicapé des bons sentiments. Combien d’amours perdues, de promotions ratées, d’excommunications subies. Combien de bûchers de mes vanités ? Promis.

Je compte bien, dorénavant, devenir un phobe repenti. Pour m’y aider, j’ai l’intention de prendre rendez-vous à l’APA, l’Association des phobes anonymes qui, pardonnant mes vices passés devant ma sincère repentance, m’aideront, je l’espère, à devenir un vrai phile, un néo-phile, un multi-phile… un phile branché à son époque en quelque sorte. Une écoute compatissante, pleurer en groupe sur sa petite enfance, avaler des cachets de moraline pour supporter les affres du sevrage…

Tout sera bon pour collaborer avec mes nouveaux amis si gentils qui prônent l’amour de tout et, donc, l’amour de l’amour et, ainsi, les convaincre que je suis enfin guéri. Puis, au terme du traitement, relâché dans la rue, je devrai rendre aux autres ce qu’on m’a donné avec tant de générosité. Quoi de plus normal que de prêcher, à mon tour, la bonne parole avec la foi du converti ! Alors, je me posterai, tel un Raëlien planté sur le trottoir, la révélation à la main, un air idiot de vache sacrée, la bonne parole à la bouche.

Je m’appliquerai à psalmodier les sept piliers de la sagesse, les sept vérités de la philophilie : xénophilie, europhilie, islamophilie, anglophilie, homophilie, gynophilie… euh… zoophilie ? Non, c’est pas ça ! C’est quoi, déjà, le septième mantra ? C’est terrible les médocs, comme ça fait perdre la mémoire. Je l’ai au bout de la langue. C’est d’un pénible ! J’en bafouille ! C’est la… c’est la con… la conno… la connophobie !

Merdum, j’ai dérapé. J’n’ai pas pu m’en empêcher. J’avais pourtant cru chasser le naturel et il est revenu au galop, en traître dans mon dos. J’entends déjà la sirène qui approche. Impossible de fuir ! Ils arrivent. Les voilà ! Ils sont là ! Ils viennent pour, à nouveau, m’enfermer dans leur camisole de force, dans leur prison mentale… dans ce qu’ils appellent « La Cage aux phobes » !

En hommage à Philippe Muray.

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