C’est le 10 décembre 1968 que le commissaire européen Sicco Mansholt présente à la commission de la Communauté économique européenne (CEE) son plan de modernisation de l’agriculture, avant que celui-ci ne soit soumis, le 21 décembre, au Conseil européen. Voilà à peine six ans que la politique agricole commune, première politique intégrée de la future Union européenne, est appliquée. Déjà, les premières limites se font jour, notamment sur la politique des prix et des marchés. Les six organisations communes des marchés (OCM) concernant les céréales, le porc, les œufs, la volaille, les fruits et légumes et le vin sont censées réguler les quantités à produire et, par conséquent, les prix. Mais ces OCM n’atteignent pas leurs objectifs.

Agriculteur, résistant et homme politique hollandais, Sicco Mansholt (1908-1995) constate que le niveau de vie des agriculteurs ne s'est pas amélioré depuis la mise en œuvre de la PAC en 1960-62 malgré la hausse de production et l'augmentation permanente des dépenses communautaires. De plus, il prédit le déséquilibre de certains marchés si la Communauté ne soustrait pas au moins cinq millions d'hectares de terres arables à la production agricole.

Il préconise donc de réformer et de moderniser les méthodes de production et d'augmenter la taille des petites exploitations condamnées, selon les experts communautaires, à disparaître à plus ou moins brève échéance.

Les Six comptent environ dix millions d’exploitations agricoles. La France à elle seule en compte près de deux millions. L'objectif du plan Mansholt est d'encourager près de cinq millions d'agriculteurs à quitter leur ferme, de favoriser une redistribution de terres ainsi rendues disponibles afin de permettre l'accroissement des parcelles familiales restantes.

C’est la course à l’agrandissement qui commence et cette nouvelle politique sonne le glas du modèle d’exploitation familiale, tradition multiséculaire de l’agriculture française.

Sont considérées comme viables les exploitations qui assurent aux agriculteurs un revenu annuel moyen comparable à celui de l'ensemble des travailleurs de leur région. Au-delà des mesures en faveur de la formation professionnelle, Mansholt prévoit aussi des programmes sociaux pour la reconversion professionnelle et la retraite anticipée, avec notamment un système d’indemnité volontaire de départ. Il invite enfin les six États membres à limiter les aides directes aux exploitations peu rentables.

Le plan Mansholt est très fraîchement accueilli par les agriculteurs puis, après son application, il suscite vite le désarroi, le mécontentement et la colère. Le 23 mars 1971, ils sont environ 100.000 à se réunir dans les rues de Bruxelles pour manifester contre le plan Agriculture : le bilan est très lourd. Outre de nombreux dégâts matériels, on compte un mort et 140 blessés. Sicco Mansholt est rapidement contraint de revoir à la baisse certaines de ses propositions. Le plan Mansholt se réduit finalement à trois directives européennes qui, en 1972, concernent la modernisation des exploitations agricoles, la cessation d'activité agricole et la formation des agriculteurs.

Aujourd’hui, la France compte environ 450.000 agriculteurs, l’Union européenne à 28 un peu moins de dix millions…

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09 décembre 2018 à 9:54

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