Période de réserve électorale : de quel droit Le Monde ne respecte-t-il pas la loi ?

Le Conseil constitutionnel a rappelé que la campagne électorale devait prendre fin le vendredi 5 mai à minuit. Cette « période de réserve » a "pour objectif de garantir la sincérité du scrutin et d’éviter toute forme de pressions intempestives sur les électeurs". Et le CSA, chargé de la faire appliquer dans son domaine de compétence, indique que "tout commentaire ou toute intervention de nature à avoir une incidence sur l’issue du scrutin ne peut être diffusée à compter de zéro heure le samedi 6 mai."

On pourrait alors penser qu'un journal aussi prestigieux que Le Monde, souvent prompt à traquer les "fake news" (enfin, certaines !), les contournements de la loi et qui s'est fait un spécialiste du décryptage, pas toujours objectif et même souvent tendancieux, avec ses célèbres "Décodeurs", s'astreindrait à un scrupuleux respect de cette règle.

De quel droit peut-il, alors, publier, hier soir, samedi 6 mai 2017, à 20 h 08, en plein milieu de cette trêve, l'interview vidéo d'un professeur à Oxford de plus de trois minutes intitulée "Marine Le Pen est-elle gaulliste ? Le regard d’un spécialiste du général de Gaulle" ? Avec retour sur plusieurs extraits du débat, présentation de la thèse unilatérale de cet universitaire, absence de débat ou de présentation de la thèse opposée ! Le Monde a-t-il oublié ce qu'est le devoir de réserve ?

Or, la question abordée est loin d'être anecdotique ; elle était même centrale dans l'évolution et la campagne de Marine Le Pen, elle est revenue à plusieurs reprises dans le débat, et elle sera certainement un élément de réflexion pour les électeurs. Donc, tout article prétendant apporter des réponses à cette vaste question est de facto « susceptible d'avoir une incidence sur l'issue du scrutin ».

Il est regrettable qu'un organe de presse qui est une véritable institution dans notre pays ne se plie pas à cet élémentaire respect de la loi. Et il serait vraiment inquiétant pour la démocratie et la confiance déjà érodée que nos concitoyens accordent à certaines de nos institutions que les organes chargés du bon déroulement du scrutin, et notamment du respect de cette période de réserve, ne sanctionnent pas un tel manquement.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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