Plusieurs centaines de personnalités ont dénoncé, dans une tribune publiée par Le Parisien-Aujourd’hui, le dimanche 22 avril, "l’antisémitisme musulman", un "nouvel antisémitisme" qui provoquerait "une épuration ethnique à bas bruit".

Cette tribune propose aux musulmans d'épurer le Coran des passages appelant au meurtre des juifs et des chrétiens. Pour faire contrecoup, et à l'initiative de Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux, une trentaine d’imams « intégrés » ont signé une tribune contre l’antisémitisme et le terrorisme. Tareq Oubrou, lié aux Frères musulmans des « Musulmans de France » (nouveau nom de l'UOIF), par son appartenance à son conseil théologique, estime qu'il faut une nouvelle lecture des passages du Coran, et non découper celui-ci.

Sur ce dernier point, il a raison : le Coran est un et indivisible, c'est la révélation suprême et on ne peut pas en expurger certains passages. Par contre, il dit aussi que l'on ne peut pas être musulman et antisémite ! Curieuse affirmation alors que les passages du Coran sur ce sujet sont assez explicites.

Cette algarade a l'avantage de mettre en exergue, une fois de plus, le fossé existant entre la volonté politique de nos gouvernants de créer un islam de France, grâce à un renouveau théologique typiquement français, et la réalité de la situation de notre pays. Les coups de boutoir de l'islam radical continuent et cette idéologie religieuse gagne du terrain dans les zones de non-droit devant la léthargie des représentants de l'islam en France, noyautés par l'étranger et qui se drapent dans une critique exacerbée d'une islamophobie qu'ils fantasment. J'écrivais, en 2015, que la dégradation sécuritaire due au terrorisme djihadiste et la crise identitaire que connaît notre pays nécessitaient que la communauté musulmane française s’interroge sur les initiatives à prendre afin de s’exonérer et se démarquer des crimes commis au nom de l’islam par ces terroristes. Nous n'avons pas progressé d'un pouce, au contraire.

L'apparition d'un islam de France, volonté encore affirmée par Emmanuel Macron, apparaît de plus en plus comme un vœu pieux, une alternative improbable. La possibilité juridique existe pourtant. En effet, il existe dans le Coran une troisième source du droit après le Coran et la Sunna ; il s'agit de l’« idjma ». L’institution est coranique. Elle puise son fondement dans le verset IV-115, duquel on déduit que tout ce qui a l’approbation générale des adeptes de l’islam est donc juste et doit être obligatoirement reconnu. Un hadith est même plus précis : "Ma communauté ne tombera jamais d’accord sur une erreur." La doctrine de l'idjma, combattue par les califes des premiers siècles après l'Hégire qui vont chercher à restreindre son étendue, aboutit finalement, au VIe siècle de l'hégire, à une synthèse selon laquelle l'accord des théologiens juristes qualifiés (mudjtahid) appartenant à une même génération est nécessaire. Mais qui sont-ils, aujourd'hui ? Et encore, il faut attendre la disparition de leur génération pour que l'idjma soit définitivement établi. Les sunnites admettent tous ce principe, les chiites sont plus divisés. Comme il n'y a plus de mudjtahid après le XXe siècle, il paraît donc illusoire de le réveiller aujourd'hui. Je pensais, il y a quelques années, que les recommandations d'un « Conseil de l’idjma » français pourraient faire renaître ainsi cette source du droit de façon moderne, démocratique et laïque. Je ne crois plus dans cette possibilité, compte tenu de la radicalisation de la situation évoquée plus haut.

Alors, que nous reste-t-il comme espoir ? Emmanuel Macron veut donner un coup de pouce à l'islam de France pour le transformer. Il retarde de plus en plus ses propositions sur ce sujet. On comprend le doute. En cas d’échec - ce qui sera vraisemblablement le cas -, il faudra en tirer toutes les conséquences et la puissance publique devra s’imposer afin de faire changer la soumission de camp. Une loi sur la laïcité s'imposera et l'islam devra s'y soumettre.

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25 avril 2018 à 8:51

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