Emmanuel Macron et la prison : un Président agaçant qui n’a ni tout à fait tort ni tout à fait raison

La résolution de faire de toute sanction prononcée une sanction exécutée ne peut qu'être louée, mais elle fait partie depuis toujours du fond convenu des propos présidentiels et ne garantit pas que, pour cette fois, le concret sera au bout de la parole.

Emmanuel Macron a décidé de lutter contre la surpopulation carcérale à sa manière. En interdisant la prison ici, en ne la conseillant pas là et en cherchant à persuader l'opinion que l'exécution de certaines peines, en quelque sorte, à l'air libre et avec des modalités assouplies aura le même effet punitif et dissuasif qu'un enfermement de courte durée. Celui-ci serait, paraît-il, préjudiciable au condamné et à la société à protéger de ses agissements.

Ce qui me gêne, sur ce plan, est la contamination de l'intelligence présidentielle par le lobby de gauche anti-prisons. Je regrette qu'Emmanuel Macron, qui se pique de liberté et s'efforce d'ouvrir autant qu'il le peut des chemins nouveaux, soit incurablement, pour la prison et dans la philosophie qu'il développe à son sujet, dans un progressisme convenu, dans une attitude qui confond l'humanisme avec une mansuétude compassionnelle et caricaturale sur les méfaits de l'enfermement et la honte que représenterait celui-ci. Comme si la prison qui préserve était responsable des délits et des crimes.

Il y a quelque chose d'angoissant dans cette obsession des peines alternatives qui, pour certains, pourraient aisément se substituer à la prison, sans qu'on se soit suffisamment interrogé sur la capacité de celles-ci à relever le défi de certaines infractions et à répondre à leur gravité, dès lors qu'on exclurait par principe la sévérité de l'enfermement.

Mais Emmanuel Macron et le réalisme de droite.

J'apprécie qu'Emmanuel Macron ait dénoncé l'absurdité d'un système où les jugements d'un tribunal correctionnel dans leur rigueur peuvent être immédiatement dénaturés et aménagés de sorte que l'autorité judiciaire est réduite à quasiment rien.

Je valide cette audace de confier à la juridiction le soin de proposer les modalités d'exécution de la peine, ce qui conduira à diminuer le rôle et l'importance du juge de l'application des peines avec les conséquences positives qui en résulteront sur le plan de la cohérence.

Comment ne pas applaudir cette limitation des aménagements de peine automatiques pour tous ceux qui se sont vus infliger une peine égale ou inférieure à un an d'emprisonnement alors qu'auparavant, le quantum s'élevait à deux ans ?

Malgré le discours stéréotypé sur la prison - en dépit du fait que la France n'est (de loin) pas le pays qui incarcère le plus en Europe -, je retiens cependant que le président de la République a réaffirmé sa volonté de faire construire de nouvelles places de prison, ce qui est, en effet, un moyen plus efficace pour lutter contre la surpopulation carcérale que le décret visant à interdire la prison pour qui la mériterait.

Je récuse qu'Emmanuel Macron soit dans dans la continuité de Christiane Taubira. Il n'est pas, comme celle-ci, dans l'idéologie et si son pragmatisme peut s'égarer, il n'en constitue pas moins une approche au moins partiellement plus lucide du monde pénitentiaire.

Entre lobby et réalisme, le Président conserve et décape.

J'espère que, demain, notre pays ne sera pas confronté, pour la délinquance au quotidien, faute de moyens, à des drames que l'emprisonnement honni aurait empêchés.

Parce qu'il y a deux manières de mythifier la prison : en la diabolisant ou en l'exaltant. Alors qu'elle est simplement nécessaire pour un certain nombre de délits et pour les crimes.

De grâce, qu'on ne lui demande pas d'éduquer ce qui a été manqué en amont et qu'on ne lui impute pas les récidives de l'aval. Il ne faut pas oublier ce détail que le condamné est vivant avec ses forces, ses faiblesses, sa volonté et sa liberté.

Emmanuel Macron est un Président agaçant qui n'a ni tout à fait tort ni tout à fait raison.

Philippe Bilger
Philippe Bilger
Magistrat honoraire - Magistrat honoraire et président de l'Institut de la parole

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