De longue date, les préfets sont censés être des gens sensés, même si rêvassant parfois dans les champs, tels que décrits dans les contes d’Alphonse Daudet. Mais à Béziers et dans ses proches environs, il semble y avoir comme une sorte de microclimat ; la preuve par Pierre Pouëssel, préfet de l’Hérault.

À en croire un entretien accordé au quotidien économique La Tribune, l’une de ses « priorités » ne serait autre que la « radicalisation islamique ». Et le même d’ajouter : « La sécurité publique est tout à fait essentielle dans une période où la menace terroriste est bien réelle. » Voilà qui est bien dit, clamé haut et fort, tel qu’il se doit. Ne reste donc plus qu’à passer aux actes. Et là, il ne s’agit plus tout à fait de la même « priorité », notre préfet étant parti en guerre contre d’autres périls encore plus grands ; la seule et simple présence d’une crèche à la mairie de Béziers, ville dont le premier édile n’est autre que Robert Ménard, bien connu de nos lecteurs.

Lequel nous confie, alors que nos confrères de 20 Minutes le donnent pour « injoignable », à croire que le bonheur puisse aussi être « simple comme un coup de fil » : « Voilà cinq ans que l’on fait la guerre aux Biterrois à propos de cette crèche de Noël. Les trois premières années, ceux qui étaient en pointe étaient des militants laïcs, pour ne pas dire laïcards, mais depuis deux ans, Pierre Pouëssel semble en faire une affaire personnelle. »

Il est un fait que cette année, il y a eu « saisie en référé » diligentée en seulement vingt-quatre heures par le préfet en question, alors que ce type de décision ne relève que du « trouble à l’ordre public », catégorie dans laquelle on voit mal comment y inclure un simple petit Jésus ronronnant du sommeil du juste dans sa mangeoire, veillé par un âne et un bœuf. Du coup, la crèche qui se trouvait à l’intérieur de l’hôtel de ville a été délocalisée quelques mètres plus loin, sur la place située juste devant l’édifice. « L’avantage, c’est qu’ainsi, notre crèche est encore plus voyante pour les Biterrois », s’amuse Robert Ménard qui, faisant à la fois assaut de ruse, d’humour et de malice, vient d’inventer un concept nouveau : la crèche à roulettes !

Ayant désormais vocation à être déplacée autant de fois que le préfet le voudra, cette dernière n’a donc pas fini de voyager, au risque d’obtenir l’effet inverse de celui souhaité par le fonctionnaire à casquette ? Ça y ressemble, toujours à en croire Robert Ménard : « L’année dernière, 23.000 Biterrois sont venus admirer cette fameuse crèche. Ce qui n’est pas si mal, pour une population globale de 78.000 personnes. Il ne s’agissait pas seulement d’une démarche religieuse, mais aussi d’une sorte de réflexe identitaire allant bien au-delà de la seule religion catholique. »

La preuve en est que le dimanche 2 décembre, ces mêmes catholiques sont venus assister à la fête juive d’Hannoukka. « J’ai installé le chandelier rituel sur la place, là où se trouve aujourd’hui la crèche. J’ai allumé la première branche du chandelier. Les dignitaires musulmans étaient aussi présents. » C’est vrai… on allait oublier la communauté islamique, très présente à Béziers. Robert Ménard, toujours : « Quand je suis invité à la rupture du jeûne musulman, je m’y rends volontiers. Mais tant que je serai maire, cette religion ne sera pas placée sur le même pied que le christianisme ou le judaïsme. »

Pourquoi ? « Tout simplement parce que je tiens compte des réalités historiques. Ici, les communautés juives remontent au Moyen Âge. Elles y ont été protégées contre les exactions catholiques. Il s’agit d’une terre judéo-chrétienne, pas d’une terre d’islam. » Cela, les autorités musulmanes paraissent parfaitement le comprendre. Peut-être parce que le maire de Béziers a le don de leur parler « vrai », au contraire d’un Pierre Pouëssel trouvant pertinent de faire, chaque année, distribuer des brochures sur le ramadan – ce qui ne relève pas tout à fait du traditionnel pouvoir préfectoral – ou d’une Anne Hidalgo se flattant d’organiser la rupture du jeûne islamique sous les lambris dorés de l’hôtel de ville de Paris.

Et s’il y avait un secret du « vivre ensemble » biterrois ? Il est décidément fort, ce Robert !

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14 décembre 2018 à 17:42

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