Yves Cochet l’a écrit et personne (ou presque) n’a tiqué : il faut limiter notre nombre d’enfants pour mieux accueillir les migrants

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La tribune est passé presque inaperçue. À peine quelques vagues sur les réseaux sociaux. Faut-il que notre société se soit accommodée à cette idée ? Il est vrai que, depuis quelques mois, le message est distillé, chuchoté, susurré sur tous les tons à l’oreille des Français : les enfants polluent, les enfaaaaannts pollueeeennnt, LES ENFANTS POLLUENT ! Écolo militant veut dire zéro enfant. La première fois, on a trouvé ça loufoque ; la deuxième fois, scandaleux ; la troisième fois, agaçant… puis, allez, on s’est habitué. C’est toujours ainsi.

Il faut dire que cette dernière offensive est parue dans un journal sérieux s’il en est - L’Obs - et que l’auteur, Yves Cochet, est un ancien ministre, ancien député, président d’un laboratoire d’idées au nom ronflant : Momentum. Bref, quelqu’un d’important. Mais, surtout, de prodigieusement effrayant.

La théorie, tout d’abord : "Renversons notre politique d’incitation à la natalité." Il faut « [inverser] la logique des allocations familiales. Plus vous avez d’enfants, plus vos allocations diminuent jusqu’à disparaître à partir de la troisième naissance !" Et devenir négative ensuite, comme en Chine ? Il ne le dit pas. Pas plus qu’il n’évoque la future cotisation retraite de ces petits « surnuméraires » personæ non gratæ dans leur pays, une fois qu’ils seront devenus grands, si d’aventure le système par répartition existe encore : la logique commanderait qu’elle soit réservée à leurs parents, qui les auront élevés par la seule force de leur poignet et le contenu de leur porte-monnaie.

La "fake news", ensuite : "Il fut un temps où des médailles d’honneur de la famille française étaient distribuées aux familles nombreuses." Il est vrai qu’il y a là un chapelet de mots bien désuets : médaille, honneur, famille, française…

Pourtant, n'en déplaise à Yves Cochet, elle existe encore ! Le site service-public.fr - mis à jour en mai dernier - l’écrit en toutes lettres : "La médaille de la famille récompense les personnes qui ont élevé dignement de nombreux enfants."

La conclusion enfin : "Je ne vise pas les pays les plus pauvres, qui font plus d’enfants que les autres. Au contraire. Les pays riches sont les premiers à devoir décroître démographiquement. Ce sont eux qui ont le mode de vie le plus polluant. Par ailleurs, limiter nos naissances nous permettrait de mieux accueillir les migrants qui frappent à notre porte."

Un cran est franchi. Tous les enfants sont gênants, mais les nôtre sont les pires. Leur vie est moins légitime que celle des migrants (dont il faudra qu’on nous explique pourquoi, une fois installés dans leur nouveau mode de vie, ils ne généreraient pas autant de nuisances écologiques que ceux qui auront été recalés avant même d'être nés)…

"Mes petits sont mignons, beaux, bien faits et jolis sur tous leurs compagnons..." disait le hibou de La Fontaine. Le Français façon Yves Cochet trouve les siens dénués d’intérêt, comparés à ceux d’à côté. Mais pour rester dans le domaine ornithologique, inutile de s’acharner sur Yves Cochet en l’affublant de tous les noms d’oiseaux… il n’est pas le seul de son espèce, cette philosophie tend à contaminer, comme d’habitude sous les jolis atours de l’altruisme, toute une part de l’Occident.

Le film Lion (Oscar® du meilleur film 2017) raconte l’histoire touchante d’un petit Indien de 5 ans qui se perd dans les rues de Calcutta et finit par être adopté après moult péripéties par un couple de sympathiques Australiens jusque-là sans enfant. Parce que stériles ? Non. Parce qu'ayant décidé, sciemment, de ne pas procréer, attendu qu’il y a assez de bambins dont il faut s’occuper à travers le monde.

L’idéologie de la repentance est une poupée russe, une mise en abyme vertigineuse : tous les enfants sont polluants, l’espèce humaine est vraiment vilaine (c’est peu ou prou ce que pensent les vegans), mais parmi eux, ceux issus de l’Occident sont spécialement méchants. On n’en voit pas le fond mais on galope dans cette spirale suicidaire : fouette, Cochet !

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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