Voile : ils ne lâcheront rien

Dalil Boubakeur
Dalil Boubakeur

Ils ne lâcheront rien, c’est clair. Parce que, sans doute, ils y croient et que c’est d’ailleurs tout à leur honneur. Parce que, aussi et peut-être surtout, on – je veux dire la République - ne leur a rien demandé de lâcher. C’est la réflexion que je me suis faite en lisant le communiqué signé du recteur Dalil Boubakeur, président du Conseil français du culte musulman (CFCM), publié au lendemain de l’attaque de la mosquée de Bayonne.

Un communiqué où l’on peut d’ailleurs relever un petit détournement historique qui mérite d’être signalé. En effet, le Conseil religieux « affirme que les Français de confession musulmane sont avant tout des citoyens de ce pays pour lequel leurs ancêtres se sont battus au péril de leur vie ». Comme si tous les musulmans de France descendaient de soldats ayant servi sous nos trois couleurs. À voir. Et sans vouloir semer la discorde chez les musulmans de France, il en fait quoi, le CFCM, des quelque 600.000 personnes de la « communauté » turque, composée à une écrasante majorité de musulmans ?

Ils ne lâcheront rien, disais-je, car les efforts que la République a demandés aux Églises, et tout particulièrement à la catholique, au tournant du XXe siècle, on ne les demandera pas aux musulmans. On peut d’ores et déjà être rassuré.

La République a inventorié, confisqué, expulsé, envoyé les gendarmes et la troupe, fracassé des portes d’églises. Tout ça pour que l’Église catholique entre dans le rang, dans le siècle, s’adapte à la sécularisation de la société. In fine, les choses s’arrangèrent plutôt pas mal. Il est vrai, en partie dans les tranchées de la Grande Guerre. Jeanne d’Arc fut consacrée héroïne nationale et, quasiment en même temps, canonisée par l’Église catholique. Et pas certain que l'Église catholique serait aujourd'hui capable d'entretenir ses lieux de culte... Il est vrai, aussi, qu’au fond, et passées les péripéties, la chose n’était pas si difficile : rendre à Dieu et à César la part qui leur revient, on connaissait ça depuis presque deux mille ans dans le monde chrétien. Sacrée copieuse, que cette république laïque qui n’avait rien inventé ! Et puis, l’église restait au milieu du village. Mais je m’éloigne, direz-vous.

Evidemment, il n’est pas question que l’islam de France ou en France (on ne sait jamais comment dire) subisse les avanies subies par l’Église catholique : inventaires, confiscations, expulsions, etc. Les temps ont changé. Mais est-il inconsidéré, irrévérencieux d’imaginer que l’islam de France (ou en France) aurait pu faire un petit pas, un petit geste, dire un petit mot. Ce petit pas, ce petit geste, ce petit mot, nous ne les trouvons pas dans le communiqué du docteur Boubakeur. Sur le voile, que dit-il ? « Le port du voile est une prescription religieuse, mais celles qui ont décidé de s’en affranchir n’en sont pas moins musulmanes et restent dans la communauté des croyants. » Deux façons de lire cette phrase. Négativement : « Si vous ne portez pas le voile, ce n'est pas trop grave, on ne vous en veut pas. » Mais une lecture plus positive est possible : ne pas porter le voile est donc compatible avec l'islam. Il paraît même que ne pas porter le voile est aussi compatible avec la République ! Cela aurait pu bien tomber, non ? Et sur cette base, et compte tenu des tensions qui traversent notre société française, du rejet du voile par une majorité de Français, si l’on en croit les sondages, on aurait pu imaginer autre chose dans ce communiqué.

Une sorte de ralliement. Qui rime avec apaisement. Mais, visiblement, le docteur Boubakeur n’est pas le cardinal Lavigerie, cet archevêque d’Alger, de 1867 à 1892, qui incarna le ralliement de l’Église à la République et ce, malgré toutes les avanies passées et à venir.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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