L'association Notre hôpital, c'est vous va déposer auprès du Conseil constitutionnel une proposition de loi pour « un accès universel à un service public hospitalier de qualité », texte qui devrait ensuite être soumis à un référendum afin d'obtenir 4,8 millions de signatures (soit 10 % du corps électoral), puis être examiné par le Parlement et peut-être enfin adopté. Long parcours semé d'embûches destinées à diminuer sérieusement les chances de succès de ce type d'initiative. Pourtant, plus de 185 parlementaires, issus de différents groupes politiques, ont signé pour soutenir cette proposition, ce qui est un bon début pour un texte qui veut attribuer les moyens nécessaires aux soins en termes de lits et de soignants, redéfinir les modalités de financement et « démocratiser la gouvernance des hôpitaux ».

La crise sanitaire actuelle a très largement mis en évidence les failles de notre système de santé, et tout particulièrement celles de l'hôpital public. En juin 2020, le gouvernement a bien tenté d'apporter quelques solutions avec le Ségur de la santé, qui n'a fait que mettre des rustines sur une chambre à air usée jusqu'à la corde, mais n'a pas remis en cause le fonctionnement du système.

Depuis des années, on ferme des lits d'hôpital sous prétexte de rentabilité.

Les directeurs d'hôpitaux ont vu leur pouvoir accru (leur salaire aussi) et gèrent maintenant les hôpitaux comme ils pourraient gérer n'importe quelle entreprise. C'est la politique du flux tendu et des séjours les plus courts possible afin de rentabiliser au mieux une quantité réduite de lits, ce qui ne laisse aucune marge de manœuvre lors de catastrophes sanitaires ou d'épidémies. C'est ainsi qu’on envoie des patients en réanimation à plus de 500 km de leur lieu de résidence par manque de lits dans l'hôpital local, sans tenir compte de leur environnement familial. Ces notions d'humanisme qui doivent accompagner tous les actes techniques ont toujours été prises en compte par les médecins. Malheureusement, nos dirigeants administratifs semblent totalement hermétiques à ce genre de raisonnement.

En France, l'hôpital dispose de 33 % de personnel technico-administratif. Le nombre d'échelons administratifs a explosé, en 25 ans. Les strates de direction se sont empilées sans s'annuler. Par comparaison, en Allemagne, le personnel administratif ne représente que 22 % du personnel des hôpitaux. Il faut ajouter à cela le manque de médecins dû au numerus clausus dont on ressent maintenant les conséquences et qui nous oblige à « importer » de nombreux médecins étrangers pour faire fonctionner les services (ce qui ravit l'administration, car ils acceptent des postes d'assistants ou d'attachés payés nettement moins cher que des postes de praticiens hospitaliers pour un travail identique), et le manque de personnel paramédical lui aussi nettement sous-payé, surtout si l'on s'en réfère à nos voisins européens.

Alors, aux urgences, faute de personnel et de place, beaucoup de patients passent des heures voire des nuits entières sur des brancards dans les couloirs, des malades ressortent trop prématurément après une intervention chirurgicale et on doit les réhospitaliser dans les jours qui suivent, pour ne citer que les cas les plus courants de dysfonctionnement. Les soignants sont de plus en plus ulcérés par ce mode de fonctionnement qui privilégie la rentabilité aux dépens de la qualité des soins, et pourtant, l'hôpital absorbe près de 40 % du budget santé alors qu'il n'assume que 25 % des soins.

Il y a donc beaucoup à revoir dans le fonctionnement de nos hôpitaux et dans celui de la distribution des soins en général, et il faut se souvenir que l'actuel Premier ministre a été largement impliqué dans la mise en place des réformes hospitalières de ces dernières années. Que dire, aussi, de la médecine privée hospitalière ou de ville, traitée avec condescendance, pour ne pas dire plus, par les autorités de tutelle.

Cette idée de référendum d'initiative populaire pour modifier le fonctionnement des hôpitaux et, au-delà, du système de santé ne peut que réjouir les soignants et les soignés, à condition bien sûr que le projet aboutisse et qu'il ne soit pas dévoyé par des intérêts catégoriels ou politiques.

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08 juillet 2021 à 11:32

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