Valérie Hayer compare Marine Le Pen à Édouard Daladier : est-ce bien raisonnable ?

Vous avez peut-être remarqué, chez les politiques, cette tendance contemporaine à la facilité. Dans les discours, le plus choquant est peut-être cette habitude des citations sans guillemets ou des paraphrases approximatives. Mais, dans l’inculture historique, on ne fera jamais mieux que Renaissance, dont la tête de liste, Valérie Hayer, vient de confirmer notre pronostic de la semaine dernière : oui, elle est bien partie pour faire comme Loiseau. Ou peut-être mieux... Ou pire, tout dépend où on se place.

Samedi 9 mars, Renaissance lançait sa campagne pour les européennes. Tout l’ost macronien avait fait le déplacement pour entourer et soutenir la tête de liste. Le parti présidentiel est donné sous les 19 % dans le sondage que La Tribune a fait paraître, ce dimanche. Alors, en l’absence de programme précis (à part « on continue comme ça »), forcément, il faut ce qu’il faut : la candidate d’Emmanuel Macron, suivant en cela la récente provocation de Gabriel Attal à l’Assemblée, voulait donc absolument montrer que Marine Le Pen était une affidée du régime de Poutine. La faute, sans doute, à ce prêt octroyé au RN par une banque russe, quand les banques françaises refusaient de lui donner un sou. Bref, sans plus attendre voici le verbatim : « Hier Daladier et Chamberlain, aujourd’hui Le Pen et Orbán. Les mêmes mots, les mêmes arguments, les mêmes débats. Nous sommes à Munich, en 1938. »

Passons sur la levée de boucliers dans le monde des historiens, puisque cette comparaison stupide a fait frémir jusque dans les universités. Intéressons-nous plus précisément au seul Français évoqué dans cette phrase : Édouard Daladier. Valérie Hayer semble en faire le parangon du collaborationnisme face à Hitler. C’est oublier que « le taureau de Vaucluse », fils d’un boulanger de Carpentras, major de l’agreg d’histoire puis maire de sa ville natale en 1912, fut ensuite engagé volontaire en 1914, d’abord dans la Légion, puis sera nommé lieutenant au feu, avec trois citations à l’ordre de la division. C’est également oublier qu’il fut élu député radical, contribua à la fusion des gauches en 1936 (assurant l’élection du Front populaire, dont il sera le ministre de la Défense). Par la suite, Édouard Daladier sera président du Conseil au moment des accords de Munich (dont Mme Hayer doit avoir de vagues souvenirs de fin de collège) avant d’être jugé et incarcéré sous Pétain. Après la Libération, il sera député-maire d’Avignon, ne cédant son siège qu’en 1958, avec le raz-de-marée gaulliste qui enterre la IV^e République. On a vu plus minable, non ?

Ajoutons deux choses pour fermer le cercueil de Valérie Hayer et de ses références indigentes. Premièrement, il y a encore un pont Édouard-Daladier à Avignon, preuve qu’il y a plus de sagesse dans la voirie municipale que dans tous les discours macronistes. On fait quoi ? On le débaptise dans un geste citoyen et wokiste ? Deuxièmement, on doit à ce brave homme, en 1934, la célèbre expression « deux cents familles » (« Deux cents familles sont maîtresses de l'économie française et, en fait, de la politique française ») sur le verrouillage du pouvoir économique et politique par une petite coterie. Et là, on comprend que le parti de l’élite et de l’entre-soi n’aime pas Daladier.

Inculture crasse, reductio ad hitlerum, haine de la voix du peuple : pas de doute, Valérie Hayer est solide sur les fondamentaux.

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