USA : la panique, plus dangereuse que le virus ?
Je découvre en ces pages des éloges de Donald Trump, ce grand président visionnaire qui « ne fait pas confiance à l’Europe », se souciant avant tout de préserver sa population des méchants virus venus de l’étranger.
Plus prosaïquement, la politique du gouvernement fédéral américain pourrait se résumer d’une phrase : quand les événements nous dépassent, feignons d’en être les organisateurs.
C’est un constat établi, aux USA, qu’on ne teste pas les gens, en tout cas le fait-on à une échelle ridicule compte tenu des populations. Les décisions de fermeture qui ont été prises l’ont donc été au niveau local. Rappelons que les universités comme les établissements scolaires, sont autonomes ou relèvent des gouverneurs responsables, avant l’État fédéral, de leurs choix.
Le problème des tests est toujours le même : il n’y a pas le matériel pour les réaliser. Les États-Unis ont moins produit de kits de dépistage depuis le début de la crise que la Corée du Sud n’en produit en un jour. C’est un chiffre que personne, sauf Donald Trump lui-même, ne conteste ici.
Quant à la décision unilatérale d’interdire tous les vols en provenance d’Europe, elle tient évidemment plus à la surenchère électoraliste – sus aux étrangers ! – qu’au souci de préserver les populations. Vu sous cet angle, on se demande, en effet, pourquoi les Anglais sont autorisés à rejoindre le territoire américain, sinon parce qu’ils sont désormais juridiquement hors de l’Europe et sans doute, de ce fait, réputés par Donald Trump non porteurs du Covid-19. De même, les ressortissants du pays passant la frontière ne sont pas inquiétés, leur passeport étant en quelque sorte un brevet de bonne santé.
On nage en pleine aberration et l’on est heureux d’entendre parfois, dans ce concert, une petite voix fluette qui tente de ramener un peu de bon sens. Ainsi Abdu Sharkawy, médecin canadien, spécialiste depuis plus de vingt ans des maladies infectieuses, qui a « travaillé dans les hôpitaux de centre-ville et dans les bidonvilles les plus pauvres d’Afrique », et qui lance un appel au calme. « VIH-SIDA, hépatite, tuberculose, SRAS, rougeole, zona, coqueluche, diphtérie… il y a peu de choses auxquelles je n’ai pas été exposé dans ma profession, et à l’exception du SRAS, très peu de choses m’ont fait me sentir vulnérable, dépassé ou carrément effrayé », dit-il.
Ce qui l’effraie, cette fois, n’est pas la maladie, dont on sait bien sûr qu’elle affecte dangereusement les populations âgées et fragilisées, mais « c’est la perte de raison et la vague de peur qui ont entraîné des masses de la société dans une spirale envoûtante de panique, stockant des quantités obscènes de tout ce qui pourrait remplir adéquatement un abri anti-bombes dans un monde post-apocalyptique. J’ai peur des masques N95 qui sont volés dans les hôpitaux et les cliniques de soins d’urgence où ils sont réellement nécessaires […] J’ai peur que nos hôpitaux soient submergés par quiconque pense qu’“il ne l’a probablement pas, mais peut tout aussi bien être examiné car on ne sait jamais…” » C’est ainsi que les malades réels, souffrant d’insuffisance cardiaque, d’emphysème ou d’AVC, « paieront le prix des salles d’urgence surchargées avec seulement un nombre limité de médecins et d’infirmières pour évaluer les patients ».
Voilà, effectivement, où nous en sommes, et l’on ne peut que souscrire à la conclusion de ce médecin : « Je vous implore tous. Tempérez la peur avec la raison, la panique avec la patience et l’incertitude avec l’éducation. Nous avons l’occasion d’en apprendre beaucoup sur l’hygiène sanitaire et la limitation de la propagation d’innombrables maladies transmissibles dans notre société. Relevons ce défi ensemble, avec le meilleur esprit de compassion pour les autres, de patience, et, surtout, d’un effort sans faille pour rechercher la vérité, les faits et les connaissances, par opposition à la conjecture, la spéculation et au catastrophisme. »
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