Un clip gouvernemental pour mieux « nous retrouver »

nous retrouver

La clé tourne dans la serrure, la porte fermée depuis trop longtemps certainement peut enfin se rouvrir. L’un lace ses chaussures, l’autre sort en marchant, en courant ou en pédalant. Qu’importe, puisqu’il fait beau ! Les terrasses sont pleines, théâtres, châteaux, musées, salles de sport, concerts, stades… aucun lieu n’est oublié dans ce clip partagé par Emmanuel Macron, dimanche, sur Twitter, pour préciser les dates du déconfinement. Une communication savamment orchestrée, en musique, puisqu’elle est censée adoucir les mœurs des Français bien éprouvés par ce compte à rebours qui n’en finit plus de s’annoncer.

Un an après le début de l’épidémie, ces images issues de scènes de la vie quotidienne d’antan paraissent surréalistes, tant nous avons oublié le plaisir procuré en allant boire un verre ou voir un film au ciné. Des images simples, devenues oniriques, nous apparaissent donc comme des scènes de liesse, de victoire d’une guerre contre l’ennemi après un combat acharné. Tous les ingrédients sont réunis dans ce clip pour nous faire rêver à la vie qui renaît. Comment ne pas être unanime face à ces petits bonheurs bientôt retrouvés ?

« Présenter le déconfinement comme une bande-annonce ? Macron a osé »​, ironise L'Essentiel, le quotidien luxembourgeois. Dans ce film, Emmanuel Macron nous délivre LA bonne nouvelle, il désigne cette lumière au bout du tunnel. Il fallait au moins cela pour faire passer la pilule. Après une communication gouvernementale contradictoire, des dates sans cesse repoussées, des échéances réclamées par certains, redoutées par d’autres, quoi de mieux qu’un film de propagande pour mieux faire oublier une gestion chaotique et toutes ces libertés dont nous étions privés : celles de travailler, de se déplacer ou de se rassembler ?

Pour autant, certains détails dans ce clip ne trompent pas. Point de scènes d’embrassades ni de visages démasqués en plein air, on continue de jouer des coudes pour se saluer, et surtout cette minuscule phrase inscrite en bas du message final, celle qui permet tout, qui excuse tout et qui donne les pleins pouvoirs au Conseil de défense : « Sauf situation sanitaire départementale dégradée. » Pris dans un élan d’enthousiasme, nous avions failli y croire…

Reste à savoir si les Français seront dupes de toute cette communication qui manipule leurs nerfs et leurs émotions. Seront-ils reconnaissants vis-à-vis de Jupiter d’avoir un peu relâché la longueur de la laisse, au moins temporairement ? Sont-ils bien conscients que le prix à payer pour ces libertés apparentes de voyager, se divertir ou se cultiver pourrait passer bientôt par un contrôle total de nos vies privées ? Puisse le Gaulois, qui retrouve la joie de vivre, ne pas avoir la mémoire trop courte au moment d’aller voter.

Iris Bridier
Iris Bridier
Journaliste à BV

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