[Tribune] Nos prisons sont des « endroits épouvantables », à qui la faute ?

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Le marasme qui sévit dans les prisons françaises n’est pas nouveau. Régulièrement dénoncé par les associations de défense des droits de l’homme, c’est, cette fois-ci, Dominique Simonnot, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui tire la sonnette d’alarme, dénonçant des « endroits épouvantables », tant pour les détenus que pour les personnels pénitentiaires.

Il est vrai que la France, avec un taux de 115,7 détenus pour 100 places de prison, figure parmi les mauvais élèves européens en matière de conditions carcérales. Bien plus : alors que le nombre des incarcérations est en baisse régulière au sein de l’Union européenne depuis plusieurs années, celui-ci continue d’augmenter dans notre pays de près de 2 % par an (1,7 % entre 2021 et 2022).

Sur le constat de ce fiasco évident de la politique carcérale française, tous les acteurs politiques sont à peu près d’accord. Même l’actuel garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, que l’on peut difficilement soupçonner d’être un chantre de l’incarcération, estime à plus de 10.000 le nombre de places manquantes dans nos prisons. En réalité, le ministre de la Justice est sans doute loin du compte. En effet, avec un nombre de détenus qui dépasse régulièrement les 70.000 et un nombre de places disponibles qui peine à se maintenir à 60.000, c’est, compte tenu des tendances lourdes de la criminalité observées ces dernières années, au moins 20.000 places supplémentaires qu’il faudrait envisager de construire.

Car, à contre-courant des idées reçues, les juges français incarcèrent davantage que leurs homologues européens. Et compte tenu de l’aggravation de la délinquance que nous vivons ces dernières années et de l’augmentation des infractions graves liées aux violences contre les personnes, sans doute nos magistrats incarcéreraient-ils plus si le nombre de places disponibles dans les établissements pénitentiaires était supérieur.

Face à ce déséquilibre, et pour n’avoir pas, pour des raisons souvent idéologiques, à mener la politique répressive qui pourtant s’imposerait, nos responsables politiques ont pris l’habitude de gérer les flux carcéraux à coups de réductions de peines et de libérations anticipées. C’est ainsi, par exemple, qu’à l’occasion de la crise sanitaire liée au Covid, près de 13.000 détenus avaient été libérés faisant miraculeusement passer le nombre des personnes incarcérées au-dessous de 60.000. Du jamais-vu depuis longtemps !

En réalité, c’est bien de cette politique aléatoire et à courte vue que souffre notre système pénitentiaire. Refusant de voir, comme le disait Émile Durkheim, que « le crime est normal parce qu’une société qui en serait exempte est tout à fait impossible », nos dirigeants rechignent à mettre les moyens indispensables pour combattre ce phénomène. Ainsi, dans le budget 2023 dédié au ministère de la Justice (9,3 milliards d’euros), moins de 4 milliards seront consacrés à l’administration pénitentiaire, dont seulement 1 milliard à la construction de places nouvelles et à la réhabilitation de celles existantes. Dans ces conditions, on voit mal comment, une fois de plus, la promesse de 15.000 places supplémentaires de prison d’ici 2027 pourrait être tenue.

À ce phénomène de la déliquescence de notre politique carcérale, nous pourrions également évoquer la situation du service pénitentiaire d’insertion et de probation, qui se détériore également du fait du manque de conseillers pénitentiaires et de moyens alloués à ce service. Ou bien encore les graves difficultés, également financières et matérielles, dans lesquelles se trouvent les services de la protection judiciaire de la jeunesse.

À l’instar de nombreux autres services publics de l’État tels notre police, nos armées, nos écoles ou nos hôpitaux, notre système carcéral est désormais à bout de souffle. Il ne tient encore debout que grâce au dévouement de ses agents, mais pour combien de temps ? Là encore, c’est à une profonde réforme qu’il faudrait procéder afin de redonner à la peine tout son sens et pour enfin mettre la victime au cœur du processus pénitentiaire.

Olivier Damien
Olivier Damien
Conseiller régional de Bourgogne-Franche-Comté, Commissaire divisionnaire honoraire

Vos commentaires

33 commentaires

  1. Les PRISONS n’ont jamais été des établissements pour CURES de JOUVENCE sinon à quoi bon ? Ce sont des lieux de MEDITATION en fait et qui représente un coût considérable pour un pays endetté comme le notre. Qui va les plaindre à part leurs proches ? …. Qu’ils sachent tout de même que c’est beaucoup mieux qu’à une époque où nous les aurions jetés dans les « OUBLIETTES » pour ne pas citer d’autres sanctions plus rudes encore. C’était une solution qui avait un avantage considérable, « pas de récidive » ! Bref ! ces gens là savent pourquoi ils sont derrière les barreaux donc, s’ils ne veulent pas s’y retrouver, libre à eux de se conduire comme le sont les gens civilisés quand ils seront relâchés. De mon point de vue, à quoi bon construire encore des prisons pour les accueillir, le mieux c’est de FERMER nos frontières en EXPULSANT tout ce que nous avons de NUISIBLE en les confiant de FORCE à leurs CONSULATS, que ça leur plaise ou non. A chacun sa MISERE et tout ira beaucoup mieux en France.

  2. Les prisons fonctionnent mal, ha bon ? Si c’était aussi terrible que ça, ceux qui en sortent ne ferait pas tout pour y retourner. Ceci dit, si quelqu’un connait une administration, fiscale exceptée, qui fonctionne bien, qu’il se fasse connaître.

  3. Avant même de revoir la politique carcérale et le système lui-même, ne faudrait -il pas d’abord revoir le système judiciaire, la formation des juges et l’organisation, la formation et la discipline de l’administration pénitentiaire, comme de la Police nationale d’ailleurs.

  4. Une solution.
    Puisque l’on est en décadence et que l’on se retrouve parfois devant des situations dignes du moyen âge, je propose que l’on mette le superflu de prisonniers entassés dans une oubliette.
    Ainsi, on les oubliera et cela permettra de donner un nombre acceptable de prisonniers pour les mougeons ou les moutruches.

  5. Cela n’arriverait pas si on fermait les frontières ,renvoyait Manu militari tous ceux qui n,ont rien à faire chez nous ,si on arrêta de payer et de donner royalement ,de favoriser les titres de séjour ,d’être impitoyables avec les agressions de tous genres ,en un mot si le gouvernement respectait la France et les français ..il y aurait moins de clients dans les prisons ..en plus désormais ils ont le droit aux loisirs ..lamentable et affligeant ..et en plus qui paient la tôle pour les malfrats ?

    • Technique « élégante » d’envoyer le bébé et l’eau du bain chez les autres, sans résoudre la question.

  6. De toute façon le but de la prison est de punir …avant d’isoler pour protéger la société …

  7. Et Cayenne c’est pas mal .Et surtout regardez les nouvelles prisons comme à Nancy , Mulhouse ou il y a une indécence de luxe pour des voyous .Coût d’un prisonnier par jour environ 110 euros pour le contribuable .Maintenant allez visiter les maisons de retraite et comparez les prestations pour environ 3000 euros par mois et les prestations des prisons , gratuites pour les délinquants .

  8. Quand vous mettez pour la première fois les pieds dans un restaurant, visitez les cuisines, visitez les toilettes de ce restaurant … Le constat que vous ferez sera un indicateur fiable sur l’assiette qui vous sera servie … Pareillement lorsque vous souhaitez vous faire une idée sur la civilisation et la moralité d’un pays inconnu , visitez ses prisons ….

    • Tout à fait d’accord avec vous ! Au Japon ou en Thaïlande par exemple , pas de courses de karting, et autres divertissements dans les prisons. Curieux ! Là bas, les prisonniers savent à quoi s’en tenir, pas de livraison de drogue ou de portable par drone non plus. Une autre façon de gouverner.

  9. Pourquoi ne pas envoyer les pensionnaires des prisons françaises en Colombie ou en Centre Afrique ? les conditions de vie dans ces établissements exotiques leur donneraient certainement l’envie de ne plus recommencer leurs actes de délinquance et de respecter les lois. La punition par la prison doit servir de leçon aux condamnés et en aucun cas devenir des hôtels trois étoiles ou il fait bon vivre. Je plains les personnels pénitentiaires de devoir travailler dans des conditions difficiles mais pas les condamnés.

  10. Il existe pourtant un moyen bien simple pour réduire la place disponible dans nos prisons sans avoir à en construire de nouvelles. Cela s’appelle la fermeture des frontières et l’expulsion pure et simple de tout délinquant étranger. Mais la solution doit être trop simple pour les supers élites qui sont censés nous protéger.

  11. je ne comprends toujours pas , pourquoi on ne réhabilite pas les anciennes casernes , pour en faire des lieus de détention. Bien sûr pas pour des détenus dangereux ou multi récidivistes . Mais pour des  » fin de peine » de détenus incarcérés pour actes comme des abus de biens , détournements , délits routiers.
    Macron avait déjà promis 15 000 places lors de son précédent mandat , il remet ça. Mais rien ne bouge, comme pour beaucoup de ses promesses , du verbiage et peu d’action. Du Macron somme toute …..

    • il y a où j’habite un bâtiment de gendarmerie innocupé, un hôpital innocupé…. des bâtiments administratifs innocupés…… pourquoi ne pas les transformer en prison ? cela nous ferait des énonomies, s’ils sont prisionniés c’est de leur faute…… il n’ont pas besoin de bâtiments neufs….. la prison n’est pas un 5 étoiles!

    • Comme indiqué plus haut, il est inutile de dépenser encore de l’argent pour construire de nouvelles prisons de 15000 places, c’est déjà au détriment du peuple Français puisque c’est avec nos IMPÔTS, ne l’oublions pas. De plus, ça ne résout pas le problème de fond. Il faut en même temps que le Gouvernement FERME nos frontières terres et mers et REFOULE massivement ce que nous avons de potentiellement dangereux dans notre pays. A force d’actions de ce genre renouvelées sans relâche, l’INSECURITE disparaîtra certainement de notre pays.

  12. Il existe à Cayenne un bagne qui ne demanderait qu’à être remis en état. Certes ce ne seraient que 1000 places, mais un séjour entre ses murs remettrait sans doute bon nombre de racailles dans le droit chemin et calmerait pas mal les velléités des violeurs et autres égorgeurs qui agissent aujourd’hui en quasi impunité.

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