[TRIBUNE] Emmanuel Macron : le mirage de la modernité, la réalité de l’impuissance

À défaut de réformes, il emprunte ; à défaut de courage, il déresponsabilise.
Capture d'écran
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Sur le plateau de TF1, Emmanuel Macron s’est voulu une fois encore le chantre de la responsabilité budgétaire. Mais en l’écoutant, difficile de ne pas se souvenir du candidat qu’il était en 2017. À l’époque, face à Jean-Jacques Bourdin, il promettait fièrement de réaliser 60 milliards d’euros d’économies par an, soit 300 milliards sur le quinquennat ! Une surenchère budgétaire sans lendemain, un effet d’annonce, pour faire plus et mieux que François Fillon, qui plaidait avec méthode pour un sérieux budgétaire devenu aujourd’hui introuvable.

Dix ans plus tard, l’heure du bilan est sans appel

Emmanuel Macron est le Président qui aura le plus creusé la dette de la République. En deux mandats, la dette publique est passée de 98 % à plus de 115 % du PIB, atteignant des niveaux historiques. Non seulement les économies annoncées n’ont jamais vu le jour, mais la dépense publique a poursuivi sa folle ascension, sans réforme structurelle digne de ce nom. Le Président qui promettait, hier, d’être le « chef des réformes » est, aujourd’hui, celui qui déplore, la mine grave : « On est dans un moment difficile mais je pense que nous ne devons pas être trop pessimistes. » Ajoutant même, comme pour se dédouaner : « Je suis le président de la République et ce n’est pas le Président qui fait les lois. »

Sur l’Europe, même grand écart. En 2017, il lançait, à la Sorbonne : « Le temps où la France propose est revenu. » L’Europe était alors son horizon, sa promesse de souveraineté retrouvée. Huit ans plus tard, il dramatise : « Notre Europe est mortelle. Elle peut mourir et cela dépend uniquement de nos choix. » Que s’est-il passé, entre-temps, sinon l’impuissance à transformer ses discours en actes ? La vérité, c’est que l’Europe n’a plus confiance dans les sempiternelles promesses de la France. La France propose, l’Europe dispose !

Sur le travail et la fiscalité, le contraste est encore plus saisissant. En 2017, il clamait : « Je veux que le travail paie mieux. Je baisserai les cotisations sociales. » À peine élu, il augmentait pourtant la CSG de 1,7 point, prélevant ainsi 22,4 milliards d’euros supplémentaires, chaque année, sur les revenus ! Après le Covid-19, il prolongeait la CRDS jusqu’en 2033 pour financer le « quoi qu’il en coûte ». Et aujourd’hui, découvrant soudainement le poids des charges qu’il a lui-même alourdies, il s’exclame : « Le financement de notre modèle social repose beaucoup trop sur le travail. » En résumé, il allume les mèches fiscales, puis revient, casque sous le bras, pour déplorer qu’il y ait un incendie !

Sur la fiscalité locale, même scénario : l’autonomie sacrifiée, la dette alourdie. En 2017, il annonçait : « Je supprimerai la taxe d’habitation pour 80 % des Français. » Cette suppression fut finalement étendue à 100 % des foyers, privant les communes de plus de 20 milliards d’euros de recettes annuelles. L’État a compensé… mais en recourant à l’emprunt, donc à la dette, sans la moindre réduction des dépenses publiques pour financer cette promesse. Plus grave encore, cette suppression a rompu un lien essentiel entre les élus locaux et leurs administrés : au lieu de rendre des comptes à leurs habitants, les maires rendent désormais des comptes à l’État et aux propriétaires fonciers, à travers la fiscalité sur le bâti et le non-bâti. Et le Président de conclure, désabusé : « Les élus locaux doivent faire des efforts, mais je sais combien c’est difficile. » Après avoir coupé le lien fiscal entre les maires et leurs habitants, il ne reste à l’État que la dette pour masquer les failles de sa propre gestion. À défaut de réformes, il emprunte ; à défaut de courage, il déresponsabilise.

Sur l’immigration, l’impuissance d’un État à traduire la volonté du peuple

En 2017, Emmanuel Macron adoptait une posture d’ouverture : il soutenait la politique migratoire d’Angela Merkel et affirmait que l’accueil des réfugiés était une chance pour la France. Mais très vite, confronté à l’inquiétude grandissante des Français, il durcit son discours. En 2019, déjà, il évoquait la nécessité de fixer des objectifs annuels d’immigration.

En 2024, sous la pression, il proposa que l’Assemblée nationale tienne chaque année un débat sur l’immigration pour fixer des quotas (c’était la proposition de François Fillon).

Cette mesure figurait dans la loi du 26 janvier 2024, mais elle fut rapidement censurée par le Conseil constitutionnel, jugée contraire à la Constitution. Voilà, résumé, le mal profond de notre démocratie : même lorsque l’exécutif se rallie enfin à une mesure de bon sens, largement soutenue par le peuple, il se heurte à l’impuissance des institutions et à l’incapacité de traduire cette volonté dans les faits.

Et lorsqu’on croyait voir poindre une réponse démocratique, Emmanuel Macron écartait l’idée même d’un référendum sur l’immigration, pourtant ardemment réclamé par une grande partie de nos concitoyens. Il préfère s’en tenir à de vagues promesses de référendums sur des sujets économiques et sociaux, soigneusement choisis pour éviter les débats qui fâchent.

Sur le Parlement, une relation ambivalente. En 2017, Emmanuel Macron promettait de « renouveler le Parlement et le rendre plus efficace ». Pourtant, en 2020, il déclarait devant les députés de sa majorité : « Si les professionnels, ce sont ceux qu'on a virés il y a deux ans et demi, et que les amateurs, c'est vous, alors soyez fiers d'être amateurs ! » Face aux blocages parlementaires, il a tenté de contourner l’Assemblée en s’appuyant sur des conventions citoyennes, comme celle pour le climat, dont il s'était engagé à reprendre les propositions « sans filtre ». Mais ces propositions furent bien vite édulcorées ou abandonnées, et aucun référendum n’a vu le jour. Aujourd’hui, il revient à l’idée de consultations populaires, déclarant : « Je souhaite qu’il y ait plusieurs référendums […] dans les prochains mois », sans en préciser ni les thèmes ni les modalités. La dernière initiative de convention citoyenne lancée par Emmanuel Macron concerne « les temps de l’enfant », notamment les rythmes scolaires et les périodes de vacances. Elle doit être lancée en juin !

En 2027, méfions-nous de ceux qui arrivent sans bagage, mais avec un bagout. Méfions-nous des effets d’annonce et des hommes providentiels qui n’ont jamais exercé de mandat, jamais dirigé de collectivité, jamais affronté les réalités du terrain. Choisissons l’expérience, la clarté et le courage. Refusons d’être à nouveau séduits par un candidat sans programme qui, faute de mieux, pioche dans ceux des autres quelques belles idées qu’il se révélera incapable d’appliquer.

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Yves d'Amécourt
Chef d’entreprise, ingénieur de l’Ecole des Mines d’Alès, ancien élu local de Gironde 2004-2021 (conseiller général, maire, président d’EPCI, conseiller régional).

Vos commentaires

55 commentaires

  1. CLO
    Que fait Mr Macron depuis 2017 des promesses qu’il n’a jamais tenues, la liste serait longue. Il a exigé 3 h de parlotte sur TF1 pour nous endormir. Il joue la montre et les mois à tenir avant 2027.
    Depuis plusieurs mois j’écris que Macron n’a qu’un seul objectif prendre la place de Mme Von Der Leyen en 2029. C’est demain.
    Mais pour cela il doit quitter la présidence sans que le peuple se manifeste.
    En France il ne prend plus de décision et il a peur que les franco algériens se soulèvent.
    A l’étranger il joue la mouche du coche entre l’UKRAINE et la RUSSIE ; il réunit à Paris les généraux européens et se présente comme leur Chef de Guerre Européen.
    MAIS sur l’incendie des prisons, les attaques au couteau, l’antisémitisme, la chienlit dans les universités, le narcotrafic, etc…. RIEN. Mr Macron est silencieux.
    Il est en campagne mondiale et prépare, avec nos impôts, son radeau européen de survie
    Tout cela est connu des journalistes et des politiques, mais personne n’en parle
    POURQUOI  CE SILENCE

  2. Tel un De Gaulle au petit pied, qu’ il parte à Baden Baden , et surtout qu’ il y reste! Il aura tout loisir de s’ y mirer dans les eaux qui n’ y manquent pas, pour se noyer à l’ envi dans sa propre image…

  3. DIAGNOSTIC époustouflant de clarté et de modération.
    Tous nos compliments à l’auteur de l’article, en souhaitant que son bon sens s’impose largement au peloton des aspirants à gouverner le pays !!!

Commentaires fermés.

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