Sympathisant de l’Olympique lyonnais, intéressé par ce qui se passe dans les tribunes partout en Europe et amoureux de la ville de Lyon comme d’une belle maîtresse, j’étais présent, dimanche dernier, lors de la rencontre opposant l’équipe locale à l’Olympique de Marseille.
 
Tout, ou presque, oppose les deux clubs : rivalité sportive, composition sociologique des villes qu’ils représentent, couleur politique supposée des tribunes ou - pour être plus correct - de leurs ultras… 
 
Pour ces raisons, l’Olympico - pour reprendre un des termes dont la modernité vulgaire raffole - est devenu une des confrontations aux passions les plus exacerbées de l’Hexagone – en tout cas, depuis que le Classico PSG-OM a déchu en intensité suite à la reprise du club parisien par les Qataris et la dissolution du sulfureux Kop de Boulogne.
 
Dimanche, tous les ingrédients étaient réunis pour que le cocktail fût explosif. Il ne manquait que les supporters de l’OM, interdits de déplacement par arrêté préfectoral. Le spectacle fut pourtant au rendez-vous, sur le terrain et dans les tribunes – d’autant plus que certains fans du club phocéen étaient malgré tout présents.
 
Rapidement, la polémique a enflé. Les Bad Gones, forts de leurs 6.500 membres, ont distribué un tract peu flatteur pour les Marseillais : "Leur ville sale, leur club donneur de leçon, leur accent insupportable et pour finir leurs ultras prétendument antiracistes, mais plus sûrement antifrançais […] Pour nos couleurs, contre la vérole sudiste, hissons haut le pavillon du Virage Nord pour faire couleur le rafiot marseillais ! Marseille est une ville où règne le SIDA."
 
Pour la poésie, nous repasserons. Loin de moi, d’ailleurs, l’idée de valider le contenu du message. Mais tout aussi loin de moi l’idée de tomber dans l’indignation, en réalité surenchère, des médias, délateurs présents sur les réseaux sociaux et autres penseurs qui veulent interdire le principal groupe de supporters lyonnais comme ils veulent le faire avec Éric Zemmour.
 
Plusieurs remarques méritent d’être ici formulées.
 
1) Bien qu’aujourd’hui apolitiques, les Bad Gones souffrent de leur positionnement politique passé : ils ont longtemps été associés à l’extrême droite et entretiennent encore des liens forts avec les Ultras Sur de Madrid – à noter que les franges plus identitaires ont émigré vers le Virage Sud de Lyon. Ils sont une cible privilégiée.
 
Les groupes ultras de Marseille, autrement plus violents et moins tolérants, jouissent d’une clémence qu’explique sans doute en partie leur positionnement politique à la fois antipatriote (autant ne pas sortir de drapeau français dans certains secteurs du Vélodrome) et marqué à l’extrême gauche (un étendard sur lequel figure le Che, ce grand démocrate, est le bienvenu). 
 
On ne saurait que conseiller à Samia Ghali, qui a demandé la dissolution des Bad Gones, de faire le ménage dans sa ville ou au média belge qui avait trouvé « fantastique » le chant des Marseillais incitant à tout casser à Lyon lors de la dernière finale de Coupe d’Europe de ne pas aujourd’hui incriminer les Gones.
 
2) Un stade de football n’est pas un théâtre : si l’on peut déplorer les excès, et certainement la violence et les actes de racisme, il est le lieu où les passions peuvent se déchaîner, l’exutoire des passions certes moins nobles mais humaines, l’endroit où l’homme n’est pas encore totalement castré et obligé de voter Macron.
 
En un mot : disons non à l’aseptisation du football !

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28 septembre 2018 à 20:43

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