Lundi 13 janvier, sur toutes les chaînes de télévision, on entendait que la grève était finie. Forcément, depuis un mois, toutes claironnaient que le retrait de l’âge pivot était le nœud gordien du conflit. Or, pareil à Alexandre, Philippe (le ministre, par le père d’Alexandre !) l’avait tranché, retiré, il n’y avait plus de raison, comme le disait justement Élisabeth Borne, de continuer la grève.

Donc, la grève était finie. Mais quelques heures plus tard, et les jours suivants, sur les mêmes écrans — sans doute le « en même temps » macronique —, on annonçait de nombreux cortèges, des blocages de ports, de raffineries, de dépôts, des opérations coups de poing, des perturbations dans le métro et les gares… Car si les rares gentils grévistes, à l’appel de la CFDT, se réjouissaient du retrait provisoire de l’âge pivot, les nombreux méchants, eux, poursuivaient de plus belle.

Alors, bientôt, de nouveaux titres apparaissaient, avec des points d’interrogation, indiquant la montée des doutes : « La grève est-elle finie ? », « La grève : essoufflement ou relance ? », « La mobilisation faiblit-elle ? » Et, pour ajouter à la confusion, les avocats jetaient leurs robes noires aux pieds de Belloubet, les blouses blanches menaçaient de démissionner. Jeudi, tous les ports de la Méditerranée étaient bloqués et la Corse commençait à manquer des produits de première nécessité…

Alors, un nouveau concept apparaissait sur les plateaux : il s’agissait « d’irréductibles et de jusqu’au-boutistes », puisqu’en dépit des exhortations de Philippe, qui les sommait de cesser, et contrairement aux gentils, ils continuaient de plus belle, et au-delà de la semaine pivot ou de l’âge du même nom provisoirement abrogé.

Alors, pour nous changer les idées, laissant les méchants irréductibles qui empêchaient le pays de tourner en rond, les télévisions nous amenaient à l’étranger. Après un rapide détour chez les méchants conservateurs polonais, coupables de désinformation, c’était le méchant Trump qui recevait sa critique hebdomadaire. Les élections approchent aux États-Unis et c’est l’heure du bilan. Or, comme le bilan du méchant se révèle plutôt bon et même très bon, on s’interrogeait : « Fallait-il parler de mirage ou de miracle économique ? » La question n’était pas tranchée !

Et puis, tous les jours, dans la série des méchants, il y avait le procès de l'ex-prêtre pédophile, qui s’ouvrait lundi. Le prêtre pédophile, un des grands classiques des méchants de la télévision. Par contre, les bons prêtres étaient absents. Curieusement, ils sont toujours absents des télévisions. Pourtant, une immense majorité de prêtres, tout de même, ne sont pas des pédophiles, encore moins subventionnés par le ministère de la Culture. Ils ont même souvent consacré leur vie à faire des choses extrêmement louables et généreuses. Certains ont même été canonisés. Mais ceux-là n’intéressent pas les télévisions ! On ne les y voit jamais. Prêtres, archiprêtres, abbés, si vous voulez qu’on parle de vous à la télévision, ne manquez pas d’être pédophiles ! C’est le succès médiatique assuré.

Regarder la télévision en ces temps de politiquement correct triomphant, c’est comme regarder un western, une série française ou un film américain de série B : il y a toujours les gentils et les méchants. Finalement, plutôt que de regarder les informations, il vaudrait mieux regarder Zorro : c’est plus divertissant et, là aussi, il y a des méchants et des gentils, et on les reconnaît rien qu’à leurs têtes !

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18 janvier 2020 à 11:33

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