Symboles : de la rose mitterrandienne à la tronçonneuse argentine

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Lorsqu’on a un peu de bouteille, on ne se souvient pas sans sourire de l’air pataud et faussement heureux de François Mitterrand portant au Panthéon à Paris, après son élection en 1981, une rose, symbole de sa campagne. La scène avait fait rire la France entière, derrière Thierry Le Luron. On se rappelle la pomme un peu grotesque, elle aussi, de Chirac - une idée de sa fille Claude qui fera florès. La droite UMP et LR, on le sait, a choisi la violette, les Verts suivent le soleil au rythme du tournesol. La tulipe a marqué la révolution au Kirghistan. Au Portugal, la révolution des œillets, en 1974, marqua le passage du pouvoir de Salazar à la démocratie. En France, on vénère encore les arbres de la liberté, lointains héritiers peut-être des arbres pleins de ce gui cher à nos druides. À moins qu’ils ne prolongent le chêne sous lequel Saint Louis rendait la justice ?

Les symboles politiques ne sont plus ce qu’ils étaient. Ce dimanche, la poétique florale traditionnelle a laissé sa place à… la tronçonneuse ! Avec le style décapant qui le caractérise, le nouveau président argentin Javier Milei a fait campagne en brandissant dès que possible, dans les manifestations, l’engin pétaradant, lame agressive et gaz d'échappement, le tout dans un rire de fin du monde, énorme et provocateur.

Il y a là comme un chemin parcouru. En plantant l’arbre et la rose fragile et piquante, on espère une ère nouvelle qui sublimera la réalité politique du moment. Les tenants du « pouvoir des fleurs » promettaient les lendemains qui chantent. Mais quand les lendemains déchantent, la fleur laisse sa place aux engins de coupe. Il faut qu’ils aient échoué, nos doux rêveurs gauchistes des années 70, et pas un peu, pour qu’on en arrive à vénérer une tronçonneuse comme le symbole enthousiasmant de l’avenir.

Mais voilà, les fleurs des années 70 étaient artificielles, comme les paradis de l’époque. Leurs fruits sont amers, leur parfum pestilentiel. Désormais, les peuples n’ont plus qu’un rêve : les couper, les brûler. Revenir à l’essentiel. C’est ce que veut faire Javier Milei. C’est ce que veut faire Trump. C’est ce que voudrait faire Meloni, empêtrée dans les filets européens. C’est ce que propose Éric Zemmour. C’est ce que devra faire Marine Le Pen si elle est élue et si elle veut éviter la déception. Après tout, le symbole du vieux Charles Martel n’était pas une fleur mais un énorme maillet dont il usa à Poitiers face aux Sarrazins : il en tira son surnom de Martel (marteau).

Il y a quelque chose d’euphorisant, comme un avenir à écrire, derrière les hurlements de la tronçonneuse argentine, avant que les désillusions ne rattrapent ce drôle de président. Un cap est franchi. Sait-on jamais ? Le candidat qui succédera à Macron aura peut-être adopté, pour incarner sa campagne, la locomotive, la moissonneuse-batteuse ou le bulldozer-scraper. De quoi déblayer les ruines accumulées par cinquante années de destruction.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

25 commentaires

  1. Habituellement, après chaque élection d’un « gauchisant » et Macron en est un, la presse mainstream (pour parler moderne) nous rebat les oreilles avec des « il faut laisser le temps au pouvoir et tout ira bien ». On a vu avec Macron, 6 ans déjà et 1 000 miliards de dettes supplémentaires, des sociétés vendues à l’étranger et même parfois rachetées à beaucoup plus cher… Mais lorsqu’il s’agit d’un Trump, d’un Javier Milei, là pas de quartier ! Et pourtant je ne sache pas que Mitterrand ait remonté notablement la France, au contraire c’est (surtout) à partir de là que les choses ont dérapées…Combien de Ministères inutiles chez nous ? On n’en connait même pas les titulaires sans parler des Commissions et autres strutures créées pour placer les copains. Comme disait Brassens, « Les copain d’abord » !

  2. Dès l’élection les médias français ont ressorti leurs éditorialistes pour nous expliquer la bouche en cul de poule que c’était tout de même très fâcheux d’avoir mis le « Trump argentin » au pouvoir. On notera donc que leur chérie était Mme Kirchner – la corrompue jusqu’à l’os, seule femme à s’être enrichie à millions tandis que l’Argentine coulait – et le pape François en savait quelque chose – sans non plus se soucier d’une inflation à 140%, c’est-à-dire une économie ou vous perdez TOUS vos avoirs tous les neuf mois (nous avons la chance d’avoir Nono le Maire, si heureux à 6% d’inflation, ouf). Cependant, passé les lampions et la tronçonneuse de la fête il va falloir que le nouvel élu « délivre la marchandise », et ça ne sera pas « de la tarte » tant il aura d’ennemis dans son pays (empêcher la fuite des profits d’investissements) et au dehors (FMI). Peut-il faire pire que le « kirchnérisme » qu’il semble avoir tué ? Oui, faire comme au Zimbabwe en son temps, mille pour cent d’inflation et plus. Alors, au travail, c’est à l’usage qu’on verra ce qui marchera.

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