Soudais contre Dati : faut-il être mal fagoté pour faire peuple ?

Dati Soudais

Faut-il se fagoter comme l’as de pique pour faire partie du peuple ? C’est ce que semble penser Ersilia Soudais, si l’on en croit sa réponse à Rachida Dati.

Sur le réseau X, BFM TV rapporte un propos du nouveau ministre de la Culture : « Les commentaires sur ma nomination, je m’en fiche, même si j’y vois parfois aussi un mépris de classe. » Acerbe, la députée LFI Ersilia Soudais l'interpelle aussitôt : « Le mépris de classe, ça ne vous dérangeait pas, quand vous vous complaisiez à critiquer ma tenue vestimentaire sur le plateau de Quotidien. » La députée NUPES joint une vidéo dans laquelle, en effet, Rachida Dati commente le jean et le tee-shirt noir délavé portés par Ersilia Soudais lors d’une intervention à l’Assemblée. Rachida Dati est plutôt mesurée, on l'a connue plus vacharde : « Quand vous incarnez l’institution, vous représentez les Français, C’est respecter l’autre que d’être bien habillé. » Comment lui donner tort ?

Si l’on suit le raisonnement d’Ersilia Soudais, s'habiller comme un sac serait la marque des classes populaires. En s’accoutrant de vieilles nippes délavées et déplacées, la fille d'un rédacteur en chef en vue de Politis, sortie de classe préparatoire et devenue députée, s’imagine se transformer aussi sec, par un coup de baguette magique, telle une Cendrillon à l’envers, en ouvrière faisant les trois huit. Comme si les Français d’origine modeste ne savaient pas ce que le mot s’endimancher dans les grandes occasions veut dire.

Snobisme du bobo

Cultiver le style débraillé n’est pas la marque du prolo mais le snobisme du bobo. Le bobo se crée une esthétique vestimentaire dans une projection fantasmée et figée du prolo. Mais Ersilia Soudais ne fait que marcher dans les pas de son patron. Souvenez-vous, c’était en 2017. Pour leur premier jour à l’Assemblée nationale, Jean-Luc Mélenchon et ses insoumis étaient arrivés sans cravate. « Il y avait des sans-culottes, il y aura maintenant des sans-cravates », avait-il clamé, bravache. « C’est le peuple qui rentre à l’Assemblée nationale. Du moins, c’est comme ça que nous l’entendons symboliquement », avait renchéri Alexis Corbière.

La bonne blague. Il faut être un étudiant antifa pour s'offrir le luxe de traîner, sans dommage, hirsute et dépenaillé sur le bitume parisien, en poursuivant mollement ses études, attendu qu'elles sont sponsorisées par deux grands mécènes : papa et maman. L’apprenti pâtissier en CAP ne peut prendre les mêmes libertés dans la boutique où il est employé. Et sa cravate Auchan coûte une misère, en tout cas infiniment moins cher que bien des colifichets d'antifa distendus et décousus.

L’entourloupe suprême est d’être « friqué » mais avec tous les attributs - dans l’imaginaire collectif - du fauché, pour rester « aimable ». C’est ainsi que des stars richissimes, mal rasées, traînant de vieilles savates, sont servies à table dans des restaurants étoilés par de jeune gens bien peignés, aux souliers cirés et à la chemise impeccable, tirant au début la chaise pour que madame s’installe et lui tenant son manteau à la fin pour qu’elle le renfile. Qui ne respecte pas qui ?

Ersilia Soudais s’imagine peut-être que le peuple rêve d’être représenté par les Tuche ? Parce qu’ils ont peu de moyens, ils n’auraient le droit, une fois de plus, comme pour leurs nouilles et leur yaourts, qu’à des élus low cost au packaging cheap ?

Mépris de classe

Rachida Dati, du reste, n’a peut-être pas complètement tort quand, se victimisant, elle accuse ses détracteurs de nourrir à son endroit « un mépris de classe ». Quoi que l’on puisse penser du nouveau ministre de la Culture, quelque part entre Bel Ami et Rastignac - et qui n'a pas laissé que des bons souvenirs au ministère de la Justice avec, notamment, la suppression massive de tribunaux d’instance -, il est un fait qu’elle a gravi les échelons sociaux en en adoptant à chaque fois les codes... jusqu'au bling bling, pour reprendre l’adjectif indissolublement lié à son Pygmalion Sarkozy.

C’est ainsi que la droite conçoit l’ascenseur social : le pauvre n’a pas vocation à le rester.

Pour la gauche, au contraire, le prolo ne reste sympathique qu’autant qu’il reste dans sa condition de marginal révolté : s’il essaie de « s’en sortir » en acquérant quelques valeurs étiquetées bourgeoises, il est aussitôt honni et moqué, au lieu d’être encouragé, dans sa maladroite tentative d’appropriation des codes. L’idée est donc bien de le maintenir dans sa condition.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

50 commentaires

  1. Les riches et les gâtés de la vie ont toujours de tous temps chercher à s’encanailler par amusement par forfanterie par provocation comme si ils voulaient conjurer le sort: La religion leur rappelant qu’ils ne sont que poussières.
    Reste que si on veut honorer quelqu’un autant que soi même il convient de se laver et se vêtir convenablement si on prétend représenter une communauté ou un pays ou diriger une entreprise il est respectueux envers les subordonnés d’afficher les signes de sa distinction , autant pour la vitrine de ce que l’on représente que pour l’esthétique on se doit de montrer l’exemple.

  2. Dans le Guépard de Visconti une scène décrypte parfaitement comment ceux qui savent se moquent des endimanchés qui n’ont pas les codes, ou encore « à la bonne franquette » de Sempé et Goscinny dans le petit Nicolas ; sinon cette cruche aurait pu lire « La distinction » de Pierre Bourdieu qui décortique fort bien les rapports de classe sur le plan symbolique (on peut trouver ce livre excellent sans être adorateur de Bourdieu !)

  3. « Ersilia est un genre de mollusques gastéropodes au sein de la famille Eulimidae. Les espèces rangées dans ce genre sont marines et parasitent des échinodermes ; l’espèce type est Ersilia mediterranea1 » ( wikiipédia).

  4. Quand j’était jeune, ce mot « fagoté » me rappelle ma mère quand elle me voyait mal habillé. Cela dit, Rachida DATI a eu raison à 100 % de faire cette remarque à la députée SOUDAIS. Quand on représente le peuple ou que l’on s’adresse au peuple, on se doit d’être vêtu correctement par politesses et par respect. Selon le proverbe, « dit moi comment tu t’habilles et je te dirai qui tu es ». C’est le langage des signes vestimentaires.

  5. Bah, Rachida est reconvertie dans l’orthopédie. Elle est la béquille assurée de la Macronie cf échange Bardella Dati.

  6. Tout commence à l’école et ensuite à l’université, où l’on observe l’attachement de certains professeurs à paraître plus « cool », plus proches du peuple, alors que ce dernier ne rêve que de s’élever socialement. Cela se reflète souvent dans une tenue vestimentaire, respectable. Il est rare voire impossible de trouver ailleurs dans le monde, même dans les pays les plus défavorisés, des représentants du peuple aussi irrespectueux envers leurs peuples qu’ils ont le devoir pourtant de représenter.

  7. C’est marrant quand-même cette obsession du plus mal-habillé chez les LFI. Comment expliquer un tel essor de la mode de seconde main, pourtant très écologique, mais parce qu’il s’agit justement de « mode », et donc du bien-habillé malgré que ce soit de l’occasion, nos élus NUPES nous disent que finalement c’est écologique mais que c’est de la mauvaise écologie. Les vêtements élégants seraient si on les écoute un marqueur identitaire, les moches aussi. Pour eux l’habit fait toujours le moine, sauf quand le vêtement est islamique.

  8. Il est donc devenu impossible d’exiger à l’entrée de l’hémicycle une tenue décente? Un peu de respect pour les Français qu’ils représentent devrait ramener certains « députés » à un minimum acceptable de langage et d’accoutrement! Leur vulgarité est inutile et inacceptable.

  9. « C’est le peuple qui rentre à l’Assemblée nationale ». Quel mépris. Pour M. Corbière, le peuple est nécessairement souillon ? Pauvre homme…

  10. Heureusement les électeurs qui ont élu cette femme sont ainsi trahis par ses tenues et son maintien. Elle a pourtant les moyens (grâce à nous) de se vêtir convenablement . Se rêve-t’elle en >SDF ?

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