Emmanuel Macron lui avait refusé l’accès à sa campagne présidentielle, l’accusant, une fois élu, lors d'une visite de Vladimir Poutine en France, d’être un "organe d'influence" et de "propagande mensongère". Voilà qui n’est pas pour me déplaire. Je dirais même au contraire, si elle déplaît autant à notre sémillant « résident de la République », comme chanterait le regretté Alain Bashung, voila une raison supplémentaire qui me stimulerait à la regarder davantage, avec un préjugé plutôt favorable, et même éminemment sympathique depuis que Frédéric Taddeï l’a rejointe.

Ça y est, ne cherchez plus ! Vous l’avez trouvée : il s’agit bien de la nouvelle chaîne d’information continue, RT France visible, pour l’instant, seulement en direct sur YouTube, le canal 359 du bouquet Free ainsi que sur son site Internet où elle est présente depuis 2015 sous le nom de Russia Today, la chaîne russe qui, par ailleurs, diffuse dans le monde entier en langues anglaise, arabe, espagnole et française.

C’est à l’occasion du mouvement des gilets jaunes que RT France s’est installée durablement dans le PAF en décidant de jouer à plein la carte des réseaux sociaux pour couvrir objectivement leur protestation, taillant ainsi quelques croupières à ses concurrentes, notamment à l’ineffable, du côté du manche, BFM TV… Mais on ne lui fait aucun cadeau, à la nouvelle venue, bien au contraire : dimanche dernier – on peut le retrouver sur le Net –, l’un de ses journalistes est tombé dans un traquenard tendu par un troll du forum 18-25 ans du site jeuxvidéo.com. Ce dernier s’était fait passer (volontairement ou… était-il téléguidé ?) pour l’un des organisateurs de la marche des foulards rouges pour tenir des propos ultra-européistes et violemment provocateurs à l’égard des gilets jaunes au micro du journaliste de RT et, ainsi, réussir à jeter le soupçon sur l’objectivité de la chaîne dont le prochain Télérama devrait se délecter…

On l’aura compris, RT France dérange et on ne lui pardonne pas d’être financé par l’État russe, l’accusant non sans un soupçon de mépris d’être la télévision de Poutine ou même « l’œil de Moscou », oubliant, au passage, que France Télévisions était « l’œil de Macron », financé par l’État français, ce qui ne semble guère déranger les zélés détracteurs de RT France.

C’est peut-être aussi le succès croissant de son audience – comme le rapporte Libération (édition du 4 janvier), RT France aurait cumulé 22 millions de vues sur Facebook entre le 17 novembre et le 16 décembre (durant la phase ascendante du mouvement des gilets jaunes), soit une augmentation de 283 % sur un an - qui doit attiser la jalousie de ses censeurs, surtout depuis que des « pointures » de la profession l’ont rejointe : Jean-Marc Sylvestre, ancien chroniqueur économique à TF1, y anime un débat hebdomadaire avec l'économiste Jacques Sapir, pourfendeur de l'euro. Un ancien journaliste de France 3 et LCI, Jean-Maurice Potier, assure le rôle de directeur adjoint de l'information, tandis que Jérôme Bonnet, ancien de Siné Hebdo, en est le rédacteur en chef.

Mais c’est surtout l’émission de Frédéric Taddeï « Interdit d’interdire » qui, sur RT France, rallie tous les suffrages, joli pied de nez au service public qui lui avait sucré son rendez-vous emblématique sur France 3 « Ce soir (ou jamais !) », qui dérangeait le « politiquement correct » de la nomenklatura du service public... "Ça nous montre une autre vision de l'actualité", commente l’un de ses téléspectateurs dans un récent dossier du journal L’Opinion, qui ajoute : "La chaîne se donne quelques mois pour prouver au monde francophone son indépendance."

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28 janvier 2019 à 19:55

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