Il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne. Hier, Éric Coquerel était le roi, victorieux du RN, élu à la tête de la commission des finances - ce qui, eu égard à son profil et son parcours, revient un peu à confier la présidence de la commission de la défense à un objecteur de conscience -, et voici que son trône s'effrite déjà, sous les coups de butoir de Rokhaya Diallo. Invitée par Éric Brunet, sur RTL, celle-ci jette soudain dans la conversation une « question sensible ». Elle évoque, rapportée par « plusieurs sources », le « comportement qu’il aurait avec les femmes » : « Ce sont des choses qui reviennent de manière récurrente, depuis plusieurs années, il y a avait eu un article dans Causette, qui parlait d’un député LFI sans le nommer. » Bref, conclut-elle, « en cohérence avec mes convictions féministes, je dis d’Éric Coquerel ce que je dirais de toute personne : il me semble incohérent qu’un parti promouvant des valeurs d’égalité choisisse pour cette commission une personne faisant l’objet de telles accusations ».

Les commentaires sur les réseaux sociaux s'empilent, très nombreux, depuis jeudi soir. Une féministe, Amandine Fouillard, la félicite avec un gros cœur : « Le courage de dire tout haut ce que tout le monde sait tout bas. » « Ça fait très Le Pen, cette formule », glisse un twittos. Pas sûr que la comparaison fasse plaisir à Rokhaya Diallo.

Parmi les militants LFI, certains la soutiennent, ajoutent que c'était un secret de polichinelle. D’autres, acerbes lui demandent « pour qui elle travaille », la traitent de menteuse, l'accusent de diffamation : il est vrai qu’aucune plainte n'a été déposée, rien de concret sur le plan judiciaire. Mais Rokhaya Diallo a devancé ce reproche : « C’était le cas de Taha Bouhafs, il n’y avait rien de judiciaire au moment où il a été auditionné, c’était juste des témoignages qui étaient parvenus aux autorités de LFI, il n’y avait pas de plaintes. D’ailleurs, je crois qu’il n’y a toujours pas de plainte. Pour autant, il a été écarté de sa candidature. »

Le Comité contre les violences sexuelles de LFI fait aussitôt un tir de barrage, assurant, quelques heures après l'émission de RTL, n’avoir jamais reçu « aucun signalement ». Le comité « déplore la mise en circulation de rumeurs ne s’appuyant sur aucun élément concret ».

On remarquera que ce qui est dénoncé à grands cris par la gauche dans la police ou l’Église, le lavage du linge sale en famille, le traitement par des instances interne des « problèmes » deviennent pratique hautement vertueuse dès lors qu’il s’agit de LFI. Sandrine Rousseau rappelle que « sans témoignage direct, on ne peut pas se fonder sur la rumeur », s'attirant aussitôt des quolibets ironiques : de facétieux archivistes du Net ont exhumé une de ses déclarations récentes à propos de Damien Abad : « La présomption d’innocence n’empêche pas le principe de précaution. »

« Il ne faut pas jeter des accusations sans aucune preuve ni aucun élément sérieux », renchérit Manuel Bompard. C’est tellement peu le genre de la gauche… Thomas Guénolé se fend d’ailleurs d’un tweet amer : « Bonjour, je ne pense pas avoir besoin d’en rajouter. Chacun voit bien le deux poids deux mesures. Moi, LFI, me calomnier à partir d’un dossier vide, ça n’avait pas l’air de les embarrasser. »

Quelle mouche a piqué Rokhaya Diallo ? Pourquoi tout déballer ainsi ? Sincérité soudaine ou sourde vengeance ? N’a-t-elle pas digéré, comme le suggère la journaliste Emmanuelle Ducros, l’éviction de Bouhafs ? Se venge-t-elle en torpillant Coquerel - tout zélateur de l’islamo-gauchisme qu'il est, Coquerel n’en reste pas moins un mâle blanc de plus de cinquante ans ? A-t-elle affabulé, grossi de tout petits faits, ou veut-elle faire montre, simplement, d’honnêteté en disant la vérité ?

On se souvient que dans sa charrette l’emmenant vers la guillotine, Danton criait, de loin, à Robespierre : « Ton tour viendra ! » Ainsi en est-il des luttes intersectionnelles et de #MeToo : les boomers soixante-huitards qui ont joui sans entraves, selon le slogan bien connu, devront tôt ou tard passer à la caisse. Pour certains d’entre eux, c’est d’ailleurs déjà le cas.

Quoi qu’il en soit, si les faits se précisaient, d’autres personnalités de LFI pourraient être éclaboussées par ce « Coquerelgate ». La même Amandine Fouillard interpelle Manuel Bompard : « Je me souviens pourtant que le sujet avait été évoqué lors du RV que nous avions eu en avril 2018 […] Tu es donc au courant depuis minimum cette date. Il est temps de prendre tes responsabilités. »

En attendant, Coquerel coupable ou pas, le hashtag #OnVousCroit revient comme un boomerang - justice immanente : quand le mis en cause est LFI, persiflent certains sur les réseaux sociaux, on ne vous croit plus, on veut des preuves. D’autres se demandent si Sandrine Rousseau va organiser un chahut à l’Assemblée comme elle l’a prévu pour Damien Abad. L'extrême gauche découvre brutalement que la présomption d'innocence peut avoir du bon.

Éric Coquerel promet, pour le week-end, une tribune de mise au point.

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01 juillet 2022 à 22:28

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51 commentaires

  1. Même si cela existe malheureusement et si c’est hautement condamnable, je suis toujours gênée par l’opportunisme avec lequel ses dénonciations apparaissent au jour J

  2. heureusement qu’il ne s’agit pas d’un membre du RN, pour l’instant les loups se battent entre eux, il va y avoir de la place bientôt

  3. Alors là c’est bien fait. On va bientôt remettre en honneur la « loi des suspects  » qui permettait, pendant la Révolution, d’arrêter n’importe qui sans preuves et de l’exécuter sans avocats…

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