RN : la proportionnelle ne fait pas l’unanimité

Pour Marine Le Pen, la proportionnelle aux élections législatives est le seul moyen de permettre une juste représentation des Français à l’Assemblée. En interne, des voix discordantes semblent « dubitatives ». De son côté, Nicolas Dupont-Aignan dénonce « une folie ».
Vieux serpent de mer, voilà le sujet de la proportionnelle de nouveau d’actualité. En effet, ce mercredi 30 avril, le Premier ministre François Bayrou vient d’entamer une consultation des responsables de partis politiques sur une possible réforme du mode de scrutin pour élire les députés.
À 10 heures, Marine Le Pen et Jordan Bardella ouvraient le bal et étaient reçus à Matignon. À la sortie de cet entretien, qui a duré une quarantaine de minutes, la députée du Pas-de-Calais s’est exprimée, semblant assez satisfaite de son échange avec le Premier Ministre qui depuis longtemps est, comme elle, un fervent défense du scrutin proportionnel. « Chaque Français doit pouvoir être représenté à l'Assemblée nationale », a-t-elle rappelé, « c'est une revendication des onze millions d'électeurs du Rassemblement national ». La parlementaire se rendait à Matignon avec deux points phares : des listes par département pour respecter « l’ancrage des députés dans les territoires » et une « prime majoritaire » afin de faire émerger une majorité au sein de l'Hémicycle. Un peu à la façon du scrutin municipal, le parti en tête bénéficierait d’un pourcentage supplémentaire. Pour Marine Le Pen, la proportionnelle est un sujet défendu de longue date. Une « forme de mantra », ironisent certains contradicteurs, en interne. Un sujet qui doit restaurer « la confiance des Français envers leurs représentants », expliquait-elle, sur le perron de Matignon.
« On n'a pourtant plus besoin de la proportionnelle pour accéder au pouvoir »
« Pour une majorité des députés, c'est une connerie », ne décolère pas un cadre du parti auprès de BV, qui parle de « bond en arrière », « une idée qui devait favoriser l'émergence des idées nationales au pouvoir, certes, mais ça, c'était vrai il y a 15 ans ». En juin 2024, après un tsunami au premier tour des législatives, une victoire du Rassemblement national semblait à portée de main. La presse française s’agitait à l’idée d’un Jordan Bardella Premier ministre. Alors, comment comprendre que Marine Le Pen ne démorde pas de cette conviction qui ne l’a jamais quittée ? En interne, cela semble incompris par un certain nombre de cadres et de militants. Un délégué départemental s’étonne : « On n'a pourtant plus besoin de la proportionnelle pour accéder au pouvoir. » Un autre cadre se dit « consterné qu’on aille dans cette direction » et partage sa crainte : « Ce serait faire preuve d'une naïveté totale que de considérer que M. Bayrou va nous faciliter la tâche. » Alors que toutes les options restent possibles : une proportionnelle intégrale par département ? Les règles seront-elles différentes en fonction du nombre de circonscriptions par département ? « Ne faisons pas preuve d'angélisme, la solution qui sera retenue nous sera bien évidemment défavorable », craint cette même source.
« Je supplie le RN de ne pas voter la proportionnelle »
En sortant de son rendez-vous, Marine Le Pen a indiqué que son idée de prime majoritaire ne serait pas retenue et que c’est sur le « mode de scrutin de 1986 que l’Assemblée nationale sera saisie ». Option que « le RN défendra », a-t-elle indiqué, aux côtés de Jordan Bardella, précisant que « c’est un moindre mal ». Il avait permis en 1986 au FN d'obtenir aux législatives 35 députés. « Une hérésie, une folie », s’exclame Nicolas Dupont-Aignan. Contacté par BV, le président de Debout la France, qui s'est aussi exprimé par communiqué, est stupéfait : « Je supplie le RN de ne pas voter la proportionnelle », s’exclame-t-il, « j’y suis totalement hostile, « ce serait le dernier clou sur le cercueil de la Ve République ». « C'est la fin de toute réforme possible de notre pays et c'est un suicide pour les patriotes. Je ne comprends pas comment on peut vouloir gagner la présidentielle et vouloir la proportionnelle, qui va interdire de mettre en œuvre un programme patriote. » Marine Le Pen a évoqué, aux micros des journalistes à la sortie de son rendez-vous, « une vie politique très certainement durablement tripolarisée ». Argument qui pourrait fragiliser l’argumentation des défenseurs de la proportionnelle. Pour l’ancien député de l’Essonne, « la proportionnelle, c'est l'émiettement, c'est condamner la France à ce qu'on a vécu sous la Quatrième et la Troisième République. » Sur une question qui divise la classe politique et les partis eux-mêmes, comme on peut le constater au sein du RN, Marine Le Pen doit convaincre que sa position est celle qui peut le mieux servir les idées nationales.

Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR

82 commentaires
Le RN est décidément déroutant… 1/ La proportionnelle qu’ il a toujours réclamée ne lui est plus si bénéfique (elle lui assure certes 150 à 200 sièges mais sans JAMAIS obtenir de majorité cf le PCF sous la IVe République) 2/La prime majoritaire (qui pouvait corriger le problème ci dessus) qu’ elle exigeait, voila qu’ elle l’ abandonne! 3/ Enfin et surtout (et là, on touche le fond, c’ est à se demander si MLP avait piscine en 1ére année de droit) le cadre départemental, puisque c’ est l’ option 1986 qui serait reprise par Bayrou… A quoi rime la proportionnelle dans des départements ayant un seul député??? Et cela vaut également pour les petits départements (et ils sont nombreux) à 2 ou 3 députés car ce mode de scrutin suppose des circonscriptions assez grandes pour, précisément, représenter les divers partis 4/ La solution c’ est le scrutin majoritaire à un tour (le RN aurait obtenu 390 députés en 2024!) mais personne n’ en veut donc on oublie… Sinon proportionnelle dans un cadre régional (les anciennes pas les actuelles qui sont artificielles et éloignent l’ élu des électeurs) avec prime majoritaire et le RN doit absolument réviser sa position sur ce point, sinon il apportera la preuve que décidément il n’ est pas à la hauteur et ne mérite pas la victoire!