Vendredi 30 mars, on apprend, de source officielle, que le chef de l’État, le Premier ministre et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat sont tombés d’accord sur la réduction de 30 % de parlementaires : les députés passeraient de 577 à 404, les sénateurs de 348 à 244. Gérard Larcher, qui n’est pas homme à se laisser forcer la main, reconnaît "des avancées significatives", mais dément quelque "accord sur la réduction de 30 % du nombre de parlementaires". Ce vieux renard, apparemment, marchande.

L’Élysée réplique que la réduction du nombre de parlementaires constitue "un engagement de campagne" d’Emmanuel Macron et qu’il le tiendra. Bref, on veut bien discuter de l’accessoire, mais pas question de céder sur l’essentiel. On peut se demander ce que vaut un engagement qui n’a reçu l’approbation que d’une petite minorité de Français. Mais passons !

Parmi les autres points en suspens, la dose de proportionnelle et le non-cumul des mandats dans le temps. Le contingentement du nombre d’amendements autorisés semble avoir été abandonné, devant les remous suscités. Édouard Philippe devrait annoncer le détail de cette réforme au milieu de la semaine prochaine.

Officiellement, il s’agit de donner plus de moyens au Parlement, d’accroître l’efficacité du travail des élus et de permettre à tous les courants politiques d’être représentés. À y regarder de près, on s’aperçoit que ce projet n’est pas dénué d’arrière-pensées et s’apparente à un marché de dupes : on se joue des électeurs et de la démocratie.

Le Premier ministre propose une dose de proportionnelle de 10 à 25 % (entre 40 et 100 députés sur 404). Les Républicains s’y opposent par principe, Gérard Larcher plaide pour un taux bas, les partis minoritaires et le MoDem préconisent un taux élevé. Il est mathématiquement évident que plus le taux sera faible, plus les effets de la proportionnelle seront insignifiants. Qui parierait qu’il sera plus proche de 10 % que de 25 % ne prendrait pas trop de risques : ainsi, la réforme passerait plus facilement au Sénat (à l’Assemblée, la majorité est assurée).

Mais une dose de proportionnelle ne permettrait aux partis minoritaires que de témoigner : le gain éventuel d’élus serait neutralisé par la diminution globale de députés ou de sénateurs. Au bout du compte, les groupes majoritaires seraient renforcés.

Restent les questions de fond. Le scrutin uninominal majoritaire à deux tours est-il juste ? Est-il normal qu’un Président élu avec une minorité de voix dispose d’une majorité écrasante, comme c’est le cas actuellement ? Quand une Assemblée ne représente pas équitablement les principaux courants politiques d’un pays, est-elle encore une Assemblée démocratique ? Quant à la réduction du nombre de parlementaires, elle pourrait éloigner encore davantage les électeurs des élus.

Ne vaudrait-il pas mieux adopter une proportionnelle intégrale, comme dans d’autres pays européens ? Cela n’empêcherait en rien de gouverner. Au lieu de donner la majorité à une minorité, un tel système – éventuellement organisé au niveau départemental – contraindrait à former des majorités volontaires. Ce qui entraînerait automatiquement des recompositions politiques. Imaginez Les Républicains alliés au Front national et à Debout la France !

Les profiteurs du scrutin majoritaire à deux tours ne veulent pas en entendre parler. Ces prétendus démocrates n’éprouvent aucune gêne à bafouer l’essence même de la démocratie. Si, encore, ils remettaient en cause ses imperfections et cherchaient à y remédier ! Mais non. La main sur le cœur, ils se déclarent démocrates mais, par leurs pratiques, ils ajoutent des arguments aux critiques de la démocratie.

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01 avril 2018 à 13:36

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