[Réflexion] Robinson et les cochons
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Les temps présents étant en proie à la confusion et au dérèglement, nous reviennent en mémoire des souvenirs de lecture qui, bientôt, n'auront plus le droit d'éclairer nos vies et de les gouverner. Fermer les livres, vivre sans référence se révèlent être le plus court chemin vers l’abîme.
À son élève qui avait un chagrin d’amour qu'elle ressassait et dont elle faisait profiter l’entourage, Louis Jouvet (1887-1951), professeur au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, conseilla : « Au lieu de pleurer, apprends ton texte ! »
Dans Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier (1924-2016), Robinson, seul et désœuvré sur son île écrasée de soleil, finit par aller faire trempette dans la souille avec les cochons sauvages et par s'enivrer avec eux des vapeurs toxiques. Sentant tout à coup le danger de cet abandon, Robinson se ressaisit. Aussi décide-t-il de se faire un calendrier et un emploi du temps : il se met à travailler à la construction d'une cabane, mange, dort et se lève à heure fixe, s'habille de façon différente le dimanche. Sa vie se structure et prend forme.
Dans Simon le pathétique de Jean Giraudoux (1882-1944) : « Tu vas entrer à l'école », dit le père à son fils Simon. « Sais-tu pourquoi ? » Simon n'écoute pas et continue de croquer sa pomme. « Tu vas à l'école pour ne pas perdre tout à fait ton temps. »
Les bénédictins se réunissent tous les matins dans la salle capitulaire de leur abbaye. Là y sont rappelés à chacun les temps de prière et les différents travaux manuels ou intellectuels qu'il a à effectuer dans la journée. Saint Benoît (vers 480-547) mit ainsi en place une vie communautaire très structurée. C'est ce que fait le Robinson de Tournier pour lui-même. C'est ce que faisait, aussi, l'école de la République à l'époque de Giraudoux.
Bien employer son temps
Ces exemples montrent qu'il s'agit toujours de se structurer par le travail dans le cadre d'un emploi du temps que l'homme se donne à lui-même, que les maîtres donnent aux enfants. Le télétravail (des études en ont montré les méfaits chez beaucoup de salariés) et le téléphone portable (qui est entré depuis des années dans l'école, dans les bureaux, sur les chantiers et jusque dans nos assemblées parlementaires) abîment puis défont la structure indispensable à la construction de l'homme, à sa liberté. Loin de refuser la contrainte de la règle, cette liberté en mesure l'importance.
Le travail peut bien sûr devenir aliénant. Il l'est même souvent. Mais ce n'est pas de ce travail-là qu'il est question quand nous parlons de la nécessaire structuration de l'homme dès le plus jeune âge. La discipline, l'effort, la persévérance, l'attention sont ce que les adultes oublient de transmettre depuis des décennies. Intoxiquée par des distractions faciles qui détournent l'esprit de la réalité et de ses exigences, notre société s’effondre. Chacun attend en vain une imminente nouveauté, se laisse gouverner par ses lubies et ses fantasmes, rêve de rupture.
Vivre n'est pas facile, ne l'a jamais été, l'est d'autant moins aujourd'hui que le monde, entraîné par l’irresponsabilité de ses gouvernants, se défait de manière inquiétante. « Le vent se lève, il faut tenter de vivre », dit le poète. Raison de plus pour que chacun, à la place où il se trouve, se ressaisisse et laisse les cochons sauvages à leur somnolence.
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11 commentaires
Excellente analyse que nous sommes plus nombreux qu’on le croit à partager. La recherche du beau, le dépassement de soi, sans tricher sont des principes universels qui se doivent d’être rabâchés.
Très belle réflexion, que je vis d’ailleurs depuis ma retraite (18 ans aujourd’hui): plus que chercher à m’occuper, j’ai dès de départ trouvé des activités sous forme de contraintes, de préférence planifiées (agent de recensement, responsable de salle des fêtes, activités paroissiales, réparations & bricolages de toutes sortes…), et je découvre qu’en travaillant « à mon rythme » je puis me montrer utile sans ressentir la moindre frustration, même sous les critiques! La seule déception que j’ai pu ressentir, c’est quand j’ai recherché des temporaires remplaçants pour ces quelques activités, lesquels mont répondu: « non, mais tu vas pas croire que je vais m’emmerder maintenant que je suis à la retraite »; dommage pour eux, certains d’eux sont morts, ou déficients…
Magnifique plaidoyer mais que ni les jeunes adultes ni les adolescents ne semblent entendre et comprendre aujourd’hui, partagés qu’ils sont entre le moindre « présentiel » au bureau et l’énorme « télétravail » à la maison, si cher au président dans son rêve de « start-up nation » et à son détestable premier ministre d’opérette. Ainsi pour redresser la barre, le Covid 19 relevant presque de l’histoire si tant est qu’il ait vraiment existé, tous les chefs d’entreprises grosses ou petites devraient interdire, sauf cas très particulier et temporaire, tout télétravail favorisant la paresse, la négligence et les roucoulades de salariés en mal de temps libre injustifié.
Quand on voit les nouvelles générations de « sans dents », car c’est de ceux là dont on parle ici, c’est catastrophique, la société actuelle, gérée par la « bourgeoisie », n’à plus besoin de la classe ouvrière telle qu’elle était au siècle dernier. En effet, elle a été remplacée par la robotique et par l’immigration, qui sont plus faciles à gérer pour les premiers et aussi pendant un certain temps au moins, pour les seconds. Donc étant plus ou moins consommateurs et ne pouvant les euthanasier officiellement, ils essaient de les détruire subrepticement et pour cela, ils utilisent toutes les addictions possibles et imaginables, Smartphone avec ses contenus débiles, dont la pornographie dégradantes pour les femmes, aides sociales, déstructuration de la famille et de la société en général, légalisation de fait des drogues dites « douces » et laisser faire pour les autres, ce qui emmène cette population concernée à être des zombies, qui n’ont plus aucune dignité.
Je crains hélas que ces recommandations soient d’un autre temps. Chaque génération est un nouveau monde dit-on
Belle réflexion.merci.
Les temps présents étant en proie à la confusion et au dérèglement : Il y a effectivement des dérèglements : « climatique, mais aussi pour beaucoup neuronal ». La premier rabâché à longueur de journée, n’est pas fait pour arranger le second. Et il y va ainsi de bien des sujets répétés sans cesse. Le téléphone portable: vite fait une simple anecdote: un jeune garçon le nez dans son téléphone à qui je demandais s’il avait des copains, me répondit oh oui ! au moins une cinquantaine ! A la questions ou sont ils, il me fit voir son téléphone et me dit ils sont là, d’un air étonné que je lui pose cette question ! Pour lui c’était une évidence ! Alors effectivement il y a du boulot !
Les soit-disant dérèglements climatiques qui reviennent régulièrement et naturellement dans l’évolution de notre planète sont sans doute moins dangereux que les dérèglements neuronaux que vous évoquez à si juste titre et qui risque de tout détruire, tant l’intelligence humaine devient de plus en plus négligeable, a contrario de l’intoxication virale qui baigne notre quotidien.
le smartphone est la calamité du siècle
Excellente analyse et il est temps de se resaissir , de reprendre notre destin en mains et surtout de bien veiller à ce que les enfants aient des activités saines , ne pas les laisser devant ces écrans malsains et abrutissants .
Que le « Grand Manitou » vous entende, je crains qu’il ne soit un peu trop tard, pour revenir en arrière, je le dis souvent: je ne voudrais pas avoir vingt ans maintenant, la société est trop pourrie, pour le peuple des « sans dents »! J’ai dix sept arrière petits enfants, je suis inquiet pour leur avenir.