Que prévoient les Turcs en Syrie ?

En un mois, l’armée turque est donc parvenue à ses fins et a pris l’enclave kurde d’Afrine. Ses pertes ont été minimes (moins d’une cinquantaine de morts), mais il est vrai qu’elle a utilisé les hommes de l’ASL (Armée syrienne libre) comme fantassins de première ligne. Ces ex-djihadistes reconvertis en supplétifs turcs ont eu, en revanche, plusieurs centaines de morts.

Les Kurdes ont résisté un certain temps, puis ont été écrasés par les bombardements turcs. Dans cette guerre, la maîtrise de l’air est, plus que jamais, décisive. Les combattants kurdes ont ensuite choisi de ne pas défendre Afrine. On peut supposer qu’ils ont voulu s’épargner des pertes excessives pour un combat perdu d’avance.

Les deux mille combattants kurdes partis de la rive gauche de l’Euphrate (sans l’accord de leur parrain américain) n’ont pu participer à cette bataille : ils ont été bloqués par l’armée syrienne, probablement sur ordre de Moscou.

Beaucoup se sont lamentés sur l’abandon des Kurdes par les Occidentaux. Ils ont, en effet, été lâchés par leur allié américain, mais il n’y a là rien de surprenant. Depuis 1975 et la chute de Phnom Penh et de Saïgon, la politique interventionniste américaine est un vaste cimetière d’alliés ou de supplétifs sacrifiés sur l’autel de la géopolitique.

Il faut aussi souligner que les Kurdes ont été avant tout victimes de leur intransigeance. En effet, pour éviter l’entrée de l’armée turque dans Afrine, les Russes ont proposé un marché aux Kurdes : ils abandonnaient l’autonomie d’Afrine et laissaient entrer l’armée syrienne. Ils auraient pu, ainsi, rester et éviter l’immense exode des habitants, très majoritairement kurdes. Ils ont refusé et les Russes, qui ne doivent rien aux Kurdes, ont laissé les mains libres à Erdoğan. Les Kurdes ont toujours été de piètres politiques et cela explique bien des choses.

Que va faire Erdoğan, maintenant ?

Il a, dans l’immédiat, deux sujets prioritaires à régler.

Tout d’abord, Afrine. La ville est quasiment vidée de ses habitants et occupée, très brutalement, par les djihadistes de l’ASL. La Turquie ayant des millions de réfugiés syriens sur son sol, la tentation est grande d’en installer à Afrine. Ce ne serait ni plus ni moins qu’une opération de nettoyage ethnique, mais les Turcs réfléchissent sérieusement à cette éventualité.

Ensuite, le reste du territoire autonome kurde qui court, plus à l’est, tout le long de la frontière turque. Il commence par la ville de Manbij qu’Erdoğan a juré de prendre. Le problème, c’est que plusieurs dizaines de soldats américains y stationnent… On voit mal l’armée turque se lancer dans une telle opération !

Pour Erdoğan, le problème kurde reste donc entier, et pour la Syrie, c’est une occasion perdue de reconquérir en douceur un territoire qui lui appartient.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 18:26.
Antoine de Lacoste
Antoine de Lacoste
Conférencier spécialiste du Moyen-Orient

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