Pourquoi les « pauvres » votent à droite en Angleterre

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C’est maintenant bien connu, les « pauvres » votent à droite en Angleterre (comme en Amérique) sur une ligne politique conservatrice libérale et nationale. Si la France va si mal, c’est que la gauche (Verts compris) et ses solutions politiques constructivistes y conservent une certaine aura, tandis que la deuxième gauche rocardo-macroniste, dite progressiste mais tout aussi délétère, a pris le relais.

Il y a dix ans, à Rochdale, grande banlieue de Manchester, un Premier ministre en perte de vitesse a changé le cours de l’Histoire britannique en brisant quelque chose qui jouera un rôle dans sa chute, le Brexit et l’élection de Boris Johnson en 2019, nous raconte Oliver Lane, journaliste à Breitbart News.

Le Premier ministre travailliste Gordon Brown, qui succédait à Blair, faisait campagne pour les élections législatives. Il rencontre Gillian Duffy, une électrice qui n’a pas sa langue dans sa poche. Elle énumère parmi ses préoccupations le niveau élevé de taxation et l’immigration de masse vers la Grande-Bretagne en provenance de l’Union européenne.

Le Premier ministre Brown monte dans sa voiture qui s’éloigne. Ce qu’il avait oublié, c’est qu’il portait encore un microphone radio pour que les caméras de télévision puissent filmer sa visite et suivre ses propos. Mme Duffy entend Brown, par la porte ouverte du camion télé de Sky News, partager son dégoût de la veuve de 65 ans avec son assistant : « C’était un désastre… J’aurais jamais dû me retrouver avec cette femme. Qui a monté ça ? […] C’était qu’une femme bornée (bigoted woman). Elle a dit qu’elle était travailliste. C’est tout simplement ridicule. »

Ce 28 avril fut l’un des moments les plus sensationnels de cette campagne. Gordon Brown a quitté le 10 Downing Street, deux semaines plus tard, après treize ans de gouvernement travailliste et peu de temps après le scandale de 2009 des frais parlementaires de députés, de ministres et de lords réclamés indûment.

Ce jour-là, le seul parti de gauche britannique sérieux a montré son vrai visage, celui grotesque et méprisant de l’élite du New Labour (Nouveau Parti travailliste) qui ne peut supporter ses propres partisans. Une épiphanie qui a eu des conséquences profondes.

Jusque-là, les deux partis politiques de l’Establishment pouvaient tous deux dépendre d’une circonscription absolument solide de fidèles électeurs tribaux et géographiquement concentrés. Dans les bastions socialistes nordiques, les votes des électeurs d’aujourd’hui ont été gagnés de leurs arrière-grands-parents, il y a un siècle, au milieu de grandes villes industrielles, et transmis de génération en génération, malgré la disparition de l’industrie et la fragmentation des collectivités. Les conservateurs avaient leur ceinture de courtiers de Surrey et les nouvelles classes moyennes qui s’étaient retrouvées dans Margaret Thatcher.

Les deux partis ont ignoré en toute inconséquence leurs partisans de base et se sont écharpés au-dessus d’un centre d’électeurs indécis qui faisaient l’élection. Cela a eu l’effet évident de rapprocher les conservateurs et les travaillistes, les transformant en groupes centristes à peine reconnaissables. Un peu comme Macron et Juppé en France (ou Philippe, ancien socialiste rocardien).

L’électorat délaissé a commencé à réaliser que les partis qu’il avait loyalement soutenus pendant des années ne lui ressemblaient ni ne le représentaient plus.

Il y a dix ans, le mortier commençait à s’effriter dans les jointures du mur rouge (Red Wall), la ligne impénétrable des bastions travaillistes du nord. Près d’une décennie plus tard, ce mur tombait lors de l’élection de 2019, avec l’écrasante victoire de Boris Johnson, partisan historique du Brexit contre l’Establishment.

Mme Duffy avait voté pour le Brexit, comme l’ont fait des millions d’autres personnes dans ce que nous considérons, maintenant, comme d’anciens foyers travaillistes.

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Thierry Martin
Auteur, dirigeant d’entreprise, sociologue de formation

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