J’appartiens à ces générations nées avec l’Europe. Dès mon plus jeune âge, j’ai été bercé par le projet d’une construction qui devait rendre le monde meilleur. Les frontières étaient appelées à tomber, l’économie développée à une vaste échelle devait permettre d’éradiquer la misère et la pauvreté sur le Vieux Continent. La fraternité, après des siècles d’une Histoire mouvementée, devait s’imposer à tous pour des lendemains qui s’annonçaient paradisiaques.

Et puis au fil des années, j’ai vu la promesse de ce rêve européen se transformer en un vaste projet technocratique, désincarné et déshumanisé. Peu à peu, le désenchantement a remplacé la ferveur des débuts d’une aventure qui nous promettait monts et merveilles et qui s’est finalement embourbée dans un marais bruxellois totalement abscons et destructeur des nations. C’est ainsi qu’une multitude de fonctionnaires internationaux a réussi à prendre le pouvoir sur les peuples pour leur infliger, en 70 ans, une multitude de règles toujours plus contraignantes et dévastatrices.

Dans ce contexte délétère, de nombreux Français se sont ainsi détournés de ce projet qui, après avoir été si prometteur, ne leur parlait plus. Les élections européennes finirent par perdre de leur intérêt, et même les européistes des premiers temps finirent par douter, puis par rejeter le rêve européen.

Il restait cependant un argument majeur. Après des siècles de guerres successives, la construction de ce qui est devenu l’Union européenne semblait mettre les Européens à l’abri de nouveaux conflits dévastateurs. Cet espoir auquel nous nous sommes accrochés pour continuer d’y croire a été une première fois ébranlé avec la guerre en ex-Yougoslavie qui, entre 1991 et 2001, déchira les Balkans. Malgré les atrocités et les drames suscités par ces guerres au cœur du continent, aucune véritable leçon ne fut tirée de ce dramatique épisode et l’Europe continua de se développer sans jamais se remettre véritablement en cause. L’idée d’une Union européenne protectrice des guerres venait pourtant d’être durement touchée.

Vingt ans après, une autre guerre qui ne dit pas encore son nom sévit à nouveau à nos portes. Et alors que l’on aurait pu croire que les expériences passées allaient servir de modèles et que tout allait être mis en œuvre pour rétablir la paix et éviter une extension du conflit, les Européens assistent médusés à la surenchère belliqueuse qui semble s’être emparée de tous les dirigeants occidentaux. Bien plus, les chefs d’État et de gouvernements de l’Union européenne, conduits par une fonctionnaire mise à la tête de la Commission européenne, oublient délibérément la vocation pacificatrice de l’institution qu’ils ont construite, pour se transformer en marchands de canons et en faiseurs de guerre.

Pourtant, au cœur de ce dispositif guerrier, la France, membre fondateur du projet européen, avait toutes les cartes et toute l’autorité nécessaires pour s’imposer en médiateur naturel de la paix. D’abord, parce que son rôle historique de grande puissance l’imposait aux yeux du monde. Ensuite, parce que cette guerre, qui menace plus que jamais de s’étendre, ne concerne en rien les Français qui n’ont aucune responsabilité dans l’origine de ce conflit. Enfin, parce qu’aucune alliance, aucune amitié, sauf à être aveugle et irresponsable, ne justifie d’être partie prenante dans les massacres inexorables que provoquent une guerre à grande échelle.

Avant qu’il ne soit trop tard, il est donc de la première importance que la raison reprenne le dessus. Qu’il soit mis fin à cette fuite en avant mortifère qui va nous conduire à notre propre perte. Qu’au lieu de livrer des armes, la France soit à nouveau capable de livrer des messages de paix sous forme de propositions d’accords acceptables par toutes les parties prenantes.

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22 mai 2022 à 12:30

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38 commentaires

  1. Il est fort étrange que la Russie sorte de votre chronique parfaitement exonérée de toute responsabilité alors qu’elle est l’unique agresseur, ayant violé les accords de Budapest et n’ayant rien fait pour respecter les accords de Minsk.

  2. L’Europe des 6, sous de Gaulle, géniale pour ses premières réalisations, s’est dissoute dans un magma de 28/27… bientôt 32 ? Dissemblables à souhait !
    La Démocratie réelle s’y perd..
    Macron nous y enfonce encore un peu plus !

  3. voir une espèce de fédaration à la mode US en europe est complètement débile ; les us n’ont pu se constituer , et encore à grand peine , que parce que les gens n’étaient tous que des migrants , des coucous , sans sol historique et sans histoire rattachée…rien à voir avec les peuples européens …. une association solide d’état nation ne serait déja pas évidente à mettre en place ; alors l’ectoplasme technocratique de Bruxelles , n’est qu’un machin mal né , mal conçu , qui va mourir …..

  4. Les Etats Nations de l’Europe c’est la paix, avec une même Histoire, Culture, mais des différences touristiques. L’Ennui, donc le désordre, naquit de l’Uniformité…
    L’U.E. avec de moins en moins de Souveraineté des Etats, c’est à terme la Course à l’Empire. Tout ce qui mène à chercher l’Empire est source de Guerre. Vu à travers les siècles. Toujours plus d’OTAN est un Empire. Faire d’abord l’Euro en certains pays pour le grand marché UE voulu à l’origine. Ne pas être soumis à la Biden mania.

  5. le seul projet européen qui ait jamais existé , mis à part les rêveries de Victor Hugo , c’est celui fomenté par les US , c’est à dire la mise en place d’une de leur succursale , un comptoir , dressé à l’anti rapprochement avec la Russie .

  6. En réalité vous êtes né dans une illusion. Aucune mosaïque ne résiste indéfiniment aux outrages du temps. Dès que son (ses) inspirateur ou créateur a disparu il ne reste plus que des élèves puis des minables qui oublient peu à peu l’inspiration du maître.

  7. . » De nombreux Européens ne comprennent pas que l’Empire US a intentionnellement démantelé la Yougoslavie par l’intermédiaire d’opérations secrètes. Pourtant cette tactique est déjà ancienne.George Friedman : « On a monté les sunnites, les chiites, et les Kurdes les uns contre les autres en Irak, ce qui déstabilisa complètement le pays. On fit exactement la même chose avec les différentes ethnies en Yougoslavie. « 

  8. Témoignage : A titre professionnel, j’ai « vécu » l’introduction des normes comptables IFRS, à coup de directives bruxelloises. C’est la vision américaine plus précisément la vision financiarisée anglo-saxone de l’économie d’entreprise qui a été « injectée » dans les comptabilités des entreprises de l’UE hors de tout processus « démocratique ». On ne produit plus de comptes mais des états financiers. Et ce n’est pas tout à fait la même chose. Et ce n’est pas nécessairement un progrès …..

  9. Le machin européen suite logique du plan Marchal,si on investit dans un poulain on veut qu’il serve à quelque chose.

  10. Pour faire accepter le projet européen, il fallait l’emballer dans de belles promesses enthousiasmantes.
    En réalité, c’était déjà une idée de la société fabienne à la fin du XIXe, en tant que préalable et expérimentation d’un gouvernement technocratique mondial qui exercerait un contrôle total sur les populations.

  11. Terrible réquisitoire contre l’UE. Causes et origines ? Origine ? : la CEE de J Monnet, très bien décrite par l’immense travail de P de Villiers est « d’inspiration » US. Les causes de l’aggravation ? : L’Allemagne est structurellement (politiquement) alignée sur les US, mais depuis les 35 Heurs et la réunification c’est elle qui domine économiquement l’Europe. Cerise sur le gâteau : Macron est « financé » par les US. Ne jamais oublier GE/Alstom et Pfizer/Nestlé.

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