Plus de blanches et de noir.e.s en musique…

France Musique nous apprend que l’Orchestre symphonique de Boston vient d’être invité à diversifier sa programmation. Trop de Gershwin, de Bartók, pas assez de Beethoven, de Berlioz ? Vous n’y êtes pas du tout. Pas assez de compositeurs de couleur. Pas assez de femmes. Une soixantaine de musiciens de la région de Boston ont donc adressé une lettre ouverte – c’est toujours mieux qu’une lettre anonyme – à la direction de l’orchestre symphonique pour lui demander plus de diversité dans les programmes musicaux.

Il a, en effet, été constaté que, pour la saison 2017-2018, sur les 73 pièces programmées, on n’en trouvait qu’une seule composée par une femme et aucune par un compositeur de couleur. On en est donc là, aujourd’hui : même la musique n’échappe pas à cette fuite - j’allais dire fugue – en avant vers plus de diversité et de parité.

On imagine que, très bientôt, un collectif de sportifs publiera une lettre ouverte pour exiger plus de diversité dans les courses de 100 mètres aux Jeux olympiques. Des quotas, peut-être ? Ce qui donnera une chance aux personnes de non-couleur de gagner une médaille. Des quotas, ce n’est pas une mauvaise idée. C’est ce que demandent les signataires de cette lettre. À la clef, que le taux d’œuvres composées par des femmes ou des personnes de couleur passe à 20 % pour la prochaine saison.

Plusieurs questions nous viennent alors immédiatement à l’esprit. Pourquoi 20, pas 15 ou 25 % ? Pourquoi pas, carrément, 50 % d’ailleurs, puisque les femmes représentent plus de 50 % de l’humanité ? Comment va-t-on comptabiliser les compositeurs femmes de couleur ? Il faut y penser et, du reste, la très sérieuse Women’s Philharmonic Advocacy, une organisation qui se donne pour mission de donner plus de visibilité aux compositrices, ne répertorie-t-elle pas sur son site Internet l’« Orchestral Music by Women of African Descent » (la musique d’orchestre composée par des femmes de descendance africaine) ? Au passage, on imagine le tollé que susciterait un répertoire qui établirait la liste de la musique d’orchestre composée par des hommes de descendance caucasienne… Et puis, évidemment, la question ne manquera pas d’être posée rapidement : quid des transgenres ? La question n’est pas baroque en ces temps postmodernes.

Maintenant, ne soyons pas machos et avouons que l’on connaît moins de noms de compositrices que de compositeurs. Si l’on vous dit Clara, beaucoup d’entre vous vont d’abord penser à Clara Morgane plutôt qu’à Clara Schumann (1819-1896), sans doute l’une des plus grandes pianistes du XIXe siècle et épouse de Robert Schumann (1810-1856). Sait-on, par exemple, que c’est une compositrice française, Mme Brillon de Jouy (1744-1824), amie de Benjamin Franklin, grande interprète de clavecin et de piano-forte, qui composa en 1777 une « Marche des insurgés » pour célébrer une victoire des Américains sur les Anglais durant la guerre d’indépendance ? Les pétroleuses de la Women’s Philharmonic Advocacy doivent l’ignorer car je ne trouve pas ce nom sur leur liste des compositrices. Mais je ne voudrais pas troubler la belle harmonie qui doit régner dans cette association de harpies (rien à voir avec des joueuses de harpe !).

Quant à introduire de la couleur dans la musique, Jean-Sébastien Bach (1685-1750), compositeur et musicien allemand d’origine caucasienne, y songea, bien avant que l’on inventât la notion de quotas, en écrivant sa « Fantaisie chromatique et fugue » ! Il est vrai, aussi, on l’aura noté, que la musique est figurée par des blanches et des noires…

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 17:40.
Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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