Persister et signer sur Twitter !
David Desgouilles que j'apprécie, essayiste « fin connaisseur de la droite française », vient d'annoncer qu'il a désactivé son compte sur Twitter qui, pour lui, serait « une cour ridicule » (Le Figaro).
À intervalles réguliers, des personnalités, exerçant dans des disciplines diverses, nous informent sur le fait qu'elles ont décidé de quitter Twitter.
Je suis heureux, pour ma part, de persister et d'y demeurer.
Si je n'ai pas envie de répondre à celles-ci qui n'abandonnent que parce qu'elles ne supportent plus d'être insultées, je voudrais expliquer pourquoi, à mon sens, celui-là - David Desgouilles - se trompe en désertant.
Je ne suis pas assez compétent, contrairement à David Desgouilles, pour dénoncer des « réseaux sociaux qui font de nous les jouets de neuroscientifiques de la Silicon Valley »... et qui, par ailleurs, encourageraient par nature « la polarisation et la radicalisation des opinions, la formation de meutes et la désignation de boucs émissaires »...
Sur le premier point, je n'en sais rien.
Sur le second, en revanche, j'admets volontiers que le constat, pour être dur, peut apparaître lucide en certaines circonstances et pour certains thèmes.
Et alors ? suis-je tenté de répliquer.
Cet extrémisme de la pensée et du verbe est moins imputable à Twitter qu'à la déplorable habitude de beaucoup de ne s'informer que sur Twitter. Celui-ci remis à sa juste place, donc accessoire, le vice dénoncé n'est plus fatal du tout. Il est évident qu'il existe dès lors que l'inculture intellectuelle et médiatique vous a enfermé dans cet étroit univers, et techniquement singulier, qu'est Twitter.
Prenons l'exemple de ceux qui sont ignorants de tout et me somment de « donner des preuves » pour les procédures dans lesquelles Nicolas Sarkozy est impliqué. Cette tâche est évidemment impossible et il est inutile de chercher à convaincre qui, sur le plan judiciaire, n'a jamais pris la peine de veiller à son propre pluralisme.
Plus profondément, si j'éprouve de l'indulgence à l'égard de Twitter malgré la radicalisation et le simplisme qui en résulteraient et dont je suis moi-même victime en telle ou telle occurrence, cela tient au fait que ces dérives n'ont pas été inventées par ce réseau mais que le poison est au cœur de multiples interventions politiques et médiatiques, avec pour conséquence que le propos nuancé, équilibré, respectueux de l'autre et correctement exprimé est devenu une rareté. Twitter ne fait que recueillir une lie qui est plus structurelle que conjoncturelle mais donne bonne conscience à ceux qui, prenant prétexte de ses particularités techniques, s'abandonnent au pire de la réflexion et de la langue.
Pour revenir à David Desgouilles, je ne crois pas du tout que Twitter soit une « cour ridicule » mais plutôt un révélateur de ce que l'on est soi-même, de ses forces, de ses faiblesses, de ses aptitudes au combat et à la résistance, sans doute aussi de son narcissisme - on n'est jamais obligé de s'engager dans cette épreuve et d'y trouver du plaisir - et, aussi et surtout, de sa volonté pédagogique de ne rien laisser passer, de répondre à tout et d'user, pour ce faire, d'un verbe récusant grossièreté, vulgarité et salacité. C'est peine perdue auprès de certains qui sont imperméables à tout exemple de courtoisie et d'élégance, mais on peut espérer que d'autres, avertis de ce que l'ordurier n'ajoute rien au fond quand il ne se substitue pas à lui, changeront d'attitude.
J'ai conscience qu'il y a dans ma démarche qui récuse autant la fuite de Twitter que la lâcheté consistant à tout encaisser sans jamais réagir l'expression d'une volonté, le besoin d'une affirmation.
Exister, c'est insister : ce précepte dont je me suis fait une règle m'a guidé sur Twitter comme dans d'autres disciplines auparavant. On n'a pas à retirer ce qu'on a dit alors qu'on l'a pensé, ni à s'excuser, par frilosité, de ce qui n'est pas indécent ou scandaleux, mais à se battre pour le justifier et se défendre.
J'ai subi au moins trois polémiques graves, dont l'une abjecte concernant mon père, et tous les bons apôtres avaient évidemment décampé, en me laissant en rase campagne, en solitude sur Twitter. Alors, je me suis livré à ce que j'estime être un honneur : ne pas gémir, rendre coup pour coup et obstinément refuser de tomber dans l'insulte, tentation permanente face à la bêtise ou à la mauvaise foi de quelques-uns.
Quitter Twitter, ce monde qui est une toute petite part de la vie intellectuelle et politique - il n'y a que Donald Trump qui préside grâce avec des tweets -, serait pour moi répudier des occasions éprouvantes mais irremplaçables de dialoguer, d'apprendre, d'estimer, de convaincre, de rectifier, de douter, de répliquer, de combattre, d'admirer, de dénigrer, d'être vrai et sincère : donc d'exister !
Et David Desgouilles voudrait nous inciter à la désertion !
Au contraire, il faut rester et tenir.
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