Mediapart a publié une enquête comme quoi Adel Kermiche, l’un des terroristes musulmans ayant égorgé le père Jacques Hamel, aurait singulièrement manqué de discrétion sur une messagerie électronique. Les détails qu’il a donnés sur lui auraient permis de l’identifier, et il aurait été assez explicite sur ses intentions.

Un policier de la préfecture de police de Paris en charge de la surveillance des réseaux aurait donc rédigé une note afin d’alerter qui de droit. Pas de chance : il faut quatre validations hiérarchiques avant que qui de droit ne soit informé, et nous étions au mois de juillet 2016 : trop de vacanciers parmi les éminents gradés en charge de statuer sur l’information. Elle reste donc en attente. Et le père Hamel subit le sort que l’on sait.

Au vu de la boulette, la hiérarchie de ce policier lui aurait intimé de falsifier sa note pour lui donner une date postérieure, ce qu’il aurait fait. Sauf que les falsifications d’un système informatique laissent des traces quasi indélébiles. Et Mediapart, en ces temps où Anastasie reprend du service sur l’injonction de notre Président, se sent assez sûr de lui pour publier le scoop : la police fait comme si la boulette n’existait pas, même au prix de tripatouillages honteux.

Le zéro défaut n’existe pas, nulle part. Il serait vain de l’espérer, et c’est mentir que de le promettre. C’est vrai dans l’industrie comme dans le commerce, dans l’éducation ou dans la médecine, ou dans la police. Mais l’air du temps nous vend du risque zéro, alors chacun veut être exonéré de toutes les menaces qui pourraient peser sur lui. Toutes ? Toutes !

Le travail de renseignement en matière de prévention du terrorisme, ce n’est pas une science exacte et c’est comme le diagnostic : il y a des faux positifs et des faux négatifs. Les faux négatifs, c’est le drame de celui qui, jusqu’à son passage à l’acte, est resté sous le radar. Le vrai positif est traité discrètement et c’est très bien ainsi : en dire le moins possible sur l’identification et la neutralisation des terroristes potentiels permet, dans une certaine mesure, d’éviter aux réseaux de s’adapter. Il n’est pas choquant qu’une validation intervienne pour tenter d’évaluer si l’information recueillie n’est pas un faux positif, parce qu’un faux positif, c’est une logistique d’investigation lourde et coûteuse déployée en pure perte là où ça ne fait pas mal (et, par conséquent, pas ailleurs). Mais quatre validations sont-elles vraiment nécessaires avant d’agir ?

C’est triste à dire, mais savoir si le père Hamel aurait pu être sauvé est une spéculation intellectuelle dont l’intérêt est limité : les faits sont passés. Que la police tente de ne pas ébruiter sa carence constatée ne me choque pas : la place publique n’est pas le meilleur endroit pour faire sa lessive. Les seules questions qui importent vraiment sont : le nombre de validations a-t-il été réduit ? Une amélioration de la rapidité et de la fluidité des transmissions d’informations a-t-elle été constatée ? Le génie qui a organisé cette bureaucratie a-t-il été viré ou mis en retraite ? À moins que la préfecture de police n'ait préféré ne rien changer à une méthode qui perd. Auquel cas, il conviendrait de nettoyer les écuries d’Augias.

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05 janvier 2018 à 16:19

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