[PEOPLE] Booba, un réac’ qui s’ignore ?

©Arnaud Scherer, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
©Arnaud Scherer, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

Le « Duc de Boulogne » tire à balles réelles. Dans une interview accordée au Parisien, Booba a donné son avis très tranché sur les Jeux olympiques de Paris 2024. Et il n’est pas loin de partager certaines de nos opinions. « La flamme olympique a été portée par n’importe qui, estime-t-il, non sans raison. Ils ont détruit toutes les valeurs du sport, ils ont même ramené Snoop Dogg, qui fume de la beuh toute la journée ! »

Une diatribe anti-Nakamura

Le rappeur a aussi dézingué la cérémonie d’ouverture ainsi que les artistes qui s’y sont produits, à commencer par Aya Nakamura. « Je ne la supporte pas. J’ai eu le malheur d’essayer de discuter avec elle. Je la trouve hautaine, surcotée, elle a des hits, mais sur l’écriture, c’est niveau sixième. Et encore, un sixième qui redouble. Elle fait la star, mais elle ne fait rien avancer ». La voilà rhabillée pour l’hiver.

Jamais avare de piques et phrases chocs en tous genres envers ses compères rappeurs, Booba a réagi à leurs dernières frasques, notamment celles du jeune Zola - rien à voir avec l’auteur de Germinal - ou de Koba LaD, impliqué, le 11 septembre dernier, dans un accident de voiture mortel. « Ce sont des abrutis, il faut leur couper les réseaux !, fulmine-t-il. Je ne dis pas que je suis un exemple, que je n’ai pas fait de conneries, mais cette génération n’a pas de père. »

Comment lui donner tort ? L’omniprésence des rappeurs dans la rubrique faits divers - pour des méfaits allant de l’agression sexuelle au meurtre en bande organisée - n’est pas sans lien avec la (non-)éducation qu’ils ont reçue à la maison.

À bientôt 50 ans, Booba ne voit pas la société actuelle d’un très bon œil et n’a pas peur de passer pour un odieux conservateur. « Je suis un des rares qui osent encore dire ce qu’ils pensent et... qui pensent, déjà (rires), raille-t-il. La liberté d’expression a encore chuté. On est dans une machine à laver le cerveau et à censurer qui est encore plus féroce qu’avant ».

Encore une fois, on ne peut qu’être en accord avec le rappeur. Le matraquage médiatique et le rétrécissement de la liberté d’expression sont en effet deux plaies majeures de notre époque. Nous n’avons de cesse de les dénoncer sur BV.

La posture victimaire, éternel écueil des rappeurs

Mais les doléances de Booba ne s’arrêtent malheureusement pas là. Emporté par sa verve et son ego, il ne peut s'empêcher de se peindre en martyr d'un pays foncièrement discriminant. « La France est encore raciste, le rap toujours dénigré. C'est la musique la plus écoutée, mais je ne passe toujours pas sur NRJ, Skyrock, Fun Radio... », regrette-t-il.

La France serait raciste parce que le rap y serait dénigré ? C’est un peu court. Peut-être le rap y est-il mal vu, en effet, parce qu’il s’agit, la plupart du temps, d’une production à l’intérêt artistique inexistant, proche de la nuisance sonore, et aux propos vulgaires voire haineux ? Quant à son « dénigrement », il est tout relatif : le rap est une sous-culture largement subventionnée, diffusée en continu sur des stations dédiées et abondamment utilisée dans la publicité.

Derrière cette posture victimaire se cache, en réalité, une amertume personnelle. Celle d’avoir été adoubé par le système sur le tard. « Cela ne fait que sept ans que je fais des festivals, j’ai été blacklisté jusqu’à 40 ans », souligne Booba, citant l’exemple des Eurockéennes, qui ont eu l’impolitesse d’attendre 2017 pour, enfin, l'inclure à leur programmation…

Et si, après tout, il ne s’agissait pas de racisme ? C’est un scénario à envisager. Et si le rappeur avait été « blacklisté » des Eurockéennes pour d’autres raisons ? Peut-être, par exemple, parce que ce festival se consacrait initialement aux musiques rock ? Allez savoir.

Jean Kast
Jean Kast
Journaliste indépendant, culture et société

Vos commentaires

7 commentaires

  1. Un rappeur qui dit ces évidences c est inattendu, il se demarque et cela va plaire dans les quartiers, mais je n aime toujours pas le rap.

  2. Le rap n’est pas spécialement de gauche .
    Aux EU, Kaynie West est proche des républicains et soutient Trump. James Brown qui ,à l’origine du mouvement les a tous inspiré et dont les rappeurs « old school  » ont pompés au début tous les « gimmicks » , avait soutenu en son temps Richard Nixon .
    Par ailleurs la mentalité des habitants des quartiers populaires de banlieue, issue majoritairement de l’immigration est très à droite à tous les niveaux , mais ils sont aussi pragmatiques et opportunistes .
    Ils prennent ce qu’on leurs offre et comme c’est la gauche offre plus par clientélisme , ils la plebiscitent ;plus par nécessité que par conviction .
    Il y a un fossé entre les gens des banlieues et leurs bienfaiteurs de gauche , que ce soi au niveau culturel comme politique .

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