Pays verts, orange, rouges : la cacophonie des vacances à l’étranger

Vacances

Branle-bas de combat, tambours et trompettes, nous entrons, le 9 juin, dans la deuxième phase du déconfinement. Reportages en boucle, salles de restaurant et de sport ouvertes, Jean Castex et Bruno Le Maire en terrasse : la foule en délire applaudit à l’extension mesurée des permissions de sortie.

La liberté retrouvée, la vraie, sans conditions, « comme avant », n’est qu’un horizon plus ou moins lointain.

Dès le 9 juin, les frontières externes à l’Union européenne s’entrouvrent : il en va, nous dit-on, de la survie du secteur touristique… et de l’idéologie post-nationale qui considère que les frontières sont un obstacle à la libre circulation des personnes et des biens.

Le gouvernement français a donc pondu une usine à gaz comme l’administration française les affectionne particulièrement : les pays hors Union européenne sont classés en rouge, orange ou vert.

Dans les pays en vert, vous l’aurez compris, les Français peuvent se rendre s’ils sont vaccinés ou s’ils peuvent justifier d’un test négatif ou d’une guérison récente : c’est le cas des pays de l’espace européen, de l’Australie, de la Corée du Sud, d’Israël, du Japon, du Liban, de la Nouvelle-Zélande et de Singapour. Les ressortissants de ces pays peuvent également, aux mêmes conditions, venir en France.

Ça, c’est sur le papier. Dans la vraie vie, vous avez donc la permission de vous rendre en Australie et au Japon, mais vous n’aurez pas le droit d’y aller ! Ces deux pays ont, effectivement, fermé leurs frontières, exerçant ainsi leur souveraineté. Dans les faits, vous avez des pays verts, européens, qui mettent en œuvre le pass sanitaire, mais qui réclament quand même un test si vous êtes vaccinés. À noter que ce sont des mesures qui sont réévaluées tous les quinze jours…

Dans les pays classés « orange », c’est-à-dire la majorité des pays du monde, où le virus circule plus activement, le voyageur vacciné sera obligé de s’acquitter d’un test : de quoi s’interroger sur l’immunité acquise par le vaccin… Les non-vaccinés ne peuvent pas s’y rendre.

Une usine à gaz : la cartographie en couleur établie par le gouvernement français ne tient pas compte de la réciprocité : en effet, légitimement, chaque pays se réserve le droit d’accueillir (ou non) des touristes de pays qu’ils considèrent « à risques sanitaires » ou de les soumettre à une quarantaine obligatoire. Ainsi, alors que les États-Unis refusent les voyageurs français, les touristes américains ont droit de cité chez nous, s’ils sont vaccinés. Thierry Breton a beau réclamer au gouvernement de Joe Biden une réciprocité des flux, ce dernier ne semble pas prêt à ouvrir ses frontières aux ressortissants de l’espace Schengen.

Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du voyage, commente, dans les colonnes du Figaro : « Il y a parfois aussi le phénomène inverse : des pays acceptent les voyageurs français alors que la France maintient des restrictions en provenance et vers ceux-ci, la Turquie par exemple. Dans tous les cas, il y aura des aberrations : certains pays européens pourront accueillir des ressortissants que la France, elle, ne laisse pas entrer sur son territoire. De sorte qu'ils pourront entrer dans l'Hexagone via ces pays-là... Il n'y a pas d'harmonisation européenne. »

Mondialisation des flux, restrictions de libertés, principe de précaution, exercice légitime de souveraineté et reprise économique : concilier tout cela relève du casse-tête mondial. C’est aussi la métaphore de l’échec d’un système.

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Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

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