Norvège : 20.000 euros pour la statue d’un morse abattu par les humains

Par Ansgar Walk — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3806879
Par Ansgar Walk — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3806879

Vu d'ici, la Norvège paraissait sensiblement différente de son voisin suédois, acquis à toutes les idéologies du siècle. C'est un pays qui demeure indépendant de l'Union européenne, relativement épargné, nous semblait-il vu d'ici, par les injonctions woke, écolo-je ne sais quoi, les crèches gender neutral, l'immigrationnisme débridé et toutes ces joyeusetés qui font de l'Occident, autrefois si grand, un cimetière.

Détrompons-nous : le cas de Freya fait évoluer nos perceptions. Je ne parle évidemment pas de la superbe déesse nordique de l'amour et de la beauté, inaccessible et sensuelle dans son char tiré par deux chats bleus, revêtue de son collier d'ambre et de son manteau en plumes de faucon. Non : la Freya qui nous intéresse pèse 600 kilos, elle a de la moustache, d'imposantes babines sur lesquelles affleurent ses canines, et elle manque de faire chavirer les embarcations sur lesquelles elle se hisse. Cette Freya-là est une jeune femelle morse qui avait ses habitudes dans le fjord d'Oslo, pour le plus grand plaisir des touristes.

Les autorités norvégiennes avaient prévenu : si les curieux ne s'écartaient pas du chemin de Freya, ne cessaient pas de l'importuner et de provoquer son agressivité, on serait obligé de l'euthanasier. Andersen le Danois aurait sans doute imaginé, sur cette trame, un conte pathétique. La gentille femelle morse, inoffensive, agacée par de sales gamins bruyants, cherchait de l'affection et aurait voulu vivre avec sa famille. Hélas, la vie cruelle et la société égoïste l'ont utilisée pour leur divertissement, comme un sapin de Noël ou un soldat de plomb. Et, comme il fallait s'y attendre, on a donc tué Freya, à l'arme à feu, dimanche 14 août. Depuis, le public, choqué, s'est cotisé pour ériger une statue en hommage à l'animal sur les lieux où il vécut. Le directeur local de la pêche a reçu des menaces de mort. Le Premier ministre norvégien a dû le soutenir et s'exprimer publiquement sur l'affaire. 20.000 euros ont ainsi été réunis pour la statue de Freya.

Tout est symbolique de notre société déliquescente dans cette pitoyable histoire : le morse hideux et gras qui reçoit le nom de la Vénus scandinave ; la personnification outrancière d'un animal par des adultes qui, à la façon de certains enfants au cœur tendre, seraient capables de prêter des sentiments aux arbres ou aux meubles ; l'incurie des sales gosses qui, comme dans Dumbo, ne pensent qu'à s'amuser aux dépens d'animaux qui n'ont rien demandé ; les solutions disproportionnées employées par des pouvoirs publics dont la responsabilité civile est le seul horizon ; la pleurniche sur la vie d'un animal, alors que les vieux, les fœtus ou les handicapés n'ont pas droit à cette sollicitude ; l'érection d'une statue commémorative pour une victime (même pas humaine) d'un fait (même pas divers), tandis que chaque journée produit son lot d'accidents ou de meurtres pour un regard.

Il y aurait, si l'on descend quelques degrés sur la pente de la pornographie émotionnelle, un peu d'argent à se faire sur les produits dérivés. Je verrais bien un tee-shirt « Je suis Freya », par exemple. Porté par des féministes en surpoids aux aisselles velues, ça ne manquerait pas de second degré. Ou encore un tour en bateau à moteur, plein de familles qui produisent des déchets, le long du fjord, pour photographier la statue du morse en majesté, victime d'un usage irrespectueux de la nature par l'homme. Impayables, les mecs.

Il y a comme cela, à la pointe de la Patagonie, une île jadis peuplée d'autochtones et que chanta Jean Raspail dans Qui se souvient des hommes La main des colonisateurs et l'empreinte de la société moderne les ont exterminés ou dilués. Il n'en reste rien, rien d'autre qu'une statue commémorative d'une mère et de son enfant, à l'échelle 1, en plastique, au milieu des solitudes battues par le vent. C'est à la fois triste et ridicule, un peu comme l'histoire de Freya.

Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

22 commentaires

  1. Triste histoire, mais, le principe n’est il pas qu’en Norvège, « si les CURIEUX ne s’écartent pas du chemin de Freya, ne cessent pas de l’importuner et de provoquer son agressivité, on sera obligé de VOUS euthanasier »
    Je trouve que ça aurait été moins choquant, ça aurait eu une autre gueule.
    Moi je dis ça mais je ne suis pas norvégien !

  2. « si l’on descend quelques degrés sur la pente de la pornographie émotionnelle, »
    Parfait. En n’oubliant pas que c’est cette pornographie qui nous dirige, par le fait de lois et règlements adoptés dans l’urgence, avant que le soufflé ne retombe.

  3. Cette histoire est pathétique en effet. Mais cette pauvre bête n’avait rien demandé. On a la gachette facile ces derniers temps pour abattre des animaux déboussolés. La solution était de sanctionner les touristes désobéissant avec des amendes bien salées. Fallait prendre exemple sur la France, championne des PV donnés pour un oui ou pour un non.

  4. Excellent .
    On peut ajoutée à la liste de ceux auxquels on ne pense guère les enfants maltraité .Car en France un enfant meurt tous les 5 jours suite aux mauvais traitements de sa famille ou de ses proches ..Or on parle beaucoup des animaux maltraités jamais des enfants torturés ….

    • Pourquoi faut-il toujours, dès lors que l’on fait preuve d’humanité envers les animaux, que quelqu’un fasse un parallèle avec les enfants ?
      Faire souffrir un animal ou un enfant, pour moi c’est du pareil au même. Aucun être vivant en état d’infériorité ne mérite d’être maltraité, car il ne peut se défendre.
      J’ajouterai que je me flatte d’avoir fait un signalement aux services sociaux concernant une petite fille que je savais en danger dans sa famille. J’ai aussi contribué au bien-être de quelques « petits vieux ».
      Alors, de grâce, élargissez votre raisonnement.

      • Mettre sur un pied d’égalité un animal et un enfant !!! (C’est du pareil au même) oulala belle mentalité que voilà…

  5. « Est-ce que ce monde est sérieux  » demande Cabrel dans une chanson sensible et intelligente comme il sait les faire .
    La réponse est définitivement : NON ! Ce qui transite , n’est jamais LA destination finale .
    La Terre , comme chacun des individu qui la peuple , ( né comme tout le monde c’est à dire unique ) , n’est que de passage . Tout le contraire d’un Terminus !
    Pas grave l’affaire Freya . Juste une anecdote qui révèle combien les gens sonnent creux .

  6. Nous vivons dans une société de plus en plus barbare, sauvage, une régression qu’on n’imaginait pas. Pouvoir d’achat et dégenrisme, racialisme haineux revanchard, jeunesse inculte, les instincts primaires remplacent les anciennes valeurs. Alors, de temps en temps, nous, humains déboussolés, perdus, vacillant sur le sol se dérobant sous nos pieds, nous avons besoin de ressentir de la tendresse, même pour un gros animal moche, nous avons besoin de rêve et d’amour, nous voulons de la beauté, celle du monde, pas celle des pubs et des centres commerciaux… Nous sommes paumés.

  7. Merci pour cet article.
    Notre société est bien malade .
    Gandhi disait qu’une civilisation n’´existait que par le soin qu’elle prenait des plus faibles.les animaux sont nos derniers esclaves et le racisme qui consiste à en faire des victimes est à l’image des hommes qui seront vaincus pas la nature et disparaîtront comme ils sont venus.
    Avant l’amour il nous faut apprendre le respect.

    •  » On reconnaît le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux. ». Gandhi

  8. Effectivement , on croyait les Norvégiens plus évolués ! tirer sans raison et froidement sur un animal qui ne faisait pas grand tort à personne est vraiment consternant ….

    • Pure logique administrative basée sur le principe de précaution. Imaginez que le morse ait blessé un spectateur, l’horreur, car le blessé serait fondé à se retourner contre les autorités. Et ça, jamais. Alors on tire…

  9. Il y avait certainement d’autres solutions que de tuer cet animal qui faisait confiance à l’humain! Entre l’abatage des loups et la chasse à la baleine, les Norvégiens ont un rapport à la nature plus qu’étrange !!

  10. Monsieur Florac, vous n’avez aucune compassion pour les animaux, ce n’est pas la première fois que je le constate. Vous comparez un animal à un meuble. Essayez donc de capter le regard d’un meuble…
    On peut trouver farfelue l’idée de la statue, mais pourquoi en profiter pour accabler cette pauvre créature innocente que l’on a abattue ?

    • Il est drôle qu’on ait de l’empathie que pour les animaux qui ont un regard (dont on voit les yeux larmoyants comme chez Walt Disney). Je n’ai jamais vu le regard d’une huitre ni d’une guêpe et pourtant ce sont des animaux comme les autres. Alors !

      • Vous avez raison.
        Je n’ai jamais croisé le regard des araignées et cependant je ne les extermine pas. Un exemple parmi d’autres.

  11. C’est dans le même registre que notre Béluga échoué dans la Seine. Tant de tapage et gesticulations pour un  » poisson » paumé dont tout le monde pouvait deviner l’issue finale … Mais voilà nous sommes du temps ou il ne faut pas froisser les « écolos » le reste, misères de tout bords ça peut attendre !!!

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