Depuis lundi dernier, un conflit dur oppose les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire au gouvernement et au garde des Sceaux. L'agression d'un surveillant à Vendin-le-Vieil par un détenu radicalisé a été l'étincelle. Depuis, les agressions à l'égard des surveillants, souvent violentes, se sont multipliées : Grenoble, Borgo, où deux gardiens ont été blessés à l'arme blanche, et samedi encore, à Maubeuge, un "mouvement d'excitation" (comprenez : une mutinerie) de vingt-quatre détenus, suivis par une cinquantaine d'autres, a nécessité l'intervention d'équipes spéciales... Dimanche après-midi, le mouvement recommence et prend de l'ampleur : 50 détenus à Maubeuge et une centaine à Sequedin, près de Lille, refusent de regagner leurs cellules, avec une nouvelle intervention des Eris (Equipes régionales d'intervention et de sécurité).

Samedi, le gouvernement, tout à l'euphorie de sa gestion jupitérienne du dossier Notre-Dame-des-Landes, pensait s'être tiré de ce mauvais pas en enfonçant un coin dans le front syndical : FO semblait isolée dans son refus du plan gouvernemental car la CGT et l'UNSA décidaient de consulter les grévistes. Dans la soirée, le verdict est tombé : rejet par les trois syndicats les plus représentatifs du plan gouvernemental, reconduction du mouvement et blocage des prisons lundi matin.

Certes, les grévistes ont obtenu des avancées intéressantes (création de 1.100 postes sur quatre ans et des mesures, certes floues, pour les détenus radicalisés), mais on comprend leur exaspération. Comme les policiers, ils sont en permanence à l'épicentre de l'insécurité à laquelle nous sommes tous confrontés à certains moments.

Nul doute que les derniers événements auront poussé la base et les syndicats à durcir leur position. Et la victoire des zadistes à Notre-Dame-des-Landes, si elle est partout saluée comme un habile coup politique, n'en reste pas moins une reculade du gouvernement face à une mobilisation et une pression. On ne voit donc pas pourquoi des fonctionnaires qui n'en peuvent plus face à l'insécurité dont ils sont victimes se montreraient moins jusqu’au-boutistes face à un pouvoir si faible et si compréhensif envers des zadistes adeptes de l'illégalité permanente. M. Philippe, prévenu par son prédécesseur, a refusé d'envoyer les forces de l'ordre déloger les zadistes. En revanche, il n'hésite pas à les envoyer contre les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire... Il n'est pas certain que l'opinion approuve longtemps cette version inquiétante du « en même temps ».

Ce qui est certain, en revanche, c'est l'erreur de casting qu'a constituée la nomination de Mme Belloubet comme garde des Sceaux. Vendredi, à Borgo, elle a été sifflée et huée, les gardiens lui tournant ostensiblement le dos et lui lançant : "On ne veut pas te parler, retourne à Paris" ou encore "Tu soutiens les assassins".

Son erreur initiale aura été, sans doute par idéologie, d'ignorer la situation explosive des prisons françaises et le degré d'exaspération des membres de son administration, et de privilégier le confort des détenus, avec son annonce malencontreuse de la généralisation des téléphones dans les cellules.

À Guéret, samedi, dans une petite prison réputée calme, une nouvelle agression a eu lieu. Un jeune détenu s'en est pris à un gardien ainsi : "Vous méritez de vous faire égorger, vous êtes des incompétents, vous n’avez pas à faire grève."

Visiblement, l'école du « J'ai le droit » a essaimé jusqu'en prison. Et comment s'en étonner ?

Il serait inquiétant que le pouvoir, qui a tardé à réagir efficacement sur le dossier pénitentiaire, se mette à parler aux surveillants comme ce détenu : « Vous n'avez pas à faire grève... » En effet, ce mouvement dans les prisons françaises, prévisible, va demander à MM. Macron et Philippe de préciser leur beau slogan "humanité et fermeté". L'humanité, il ne faudrait pas qu'elle soit réservée aux migrants, aux zadistes et aux détenus.

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21 janvier 2018 à 21:24

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