À chacun son chemin de Damas. L’histoire retiendra (peut-être) que France Inter a été touchée par la grâce au lendemain de l’Ascension.

La preuve ? La radio a évoqué le pèlerinage de Chartres. Celui qui s’ébranlera samedi matin de Saint-Sulpice - incendie de Notre-Dame oblige - pour rejoindre, lundi de Pentecôte, la cathédrale de Chartres. En parler est déjà un exploit, car depuis quarante ans, cette petite ville en mouvement - en nombre, c’est Bayeux ou Briançon qui se déplacerait à pied - intéresse fort peu les médias. Mais le plus incroyable, ahurissant, prodigieux, est que France Inter en a parlé de façon neutre, s'en tenant aux faits. Sans leurs tresser des couronnes de lauriers, mais sans se moquer, ricaner, cracher du fiel, faire de finaudes allusions aux prêtres pédophiles ni à la France de Vichy, tendre le micro à un obscur quidam assurant y avoir été traîné de force, enfant, il y a vingt ans, par ses parents intégristes... Non. Rien de tout cela. En interrogeant « vraiment » une jeune fille ordinaire de ce pèlerinage, pas une folle dingo ni une illuminée. Sans tronquer ses propos, les interpréter ni chercher à la piéger. Quel exploit ! On nous les a changés. Si ce n’est pas un miracle…

Il est vrai que ces jeunes - France Inter rappelle que 50 % d’entre eux ont moins de vingt ans - constituent un phénomène de société : on nous bassine depuis des mois avec les Black Blocs et les Soulèvement de la Terre. Ils sont les anti-Black Blocs et le Soulèvement vers le Ciel. Les uns sont nihilistes et crient « Ni Dieu ni maître », les autres sont gonflés d’espérance et se mettent à genoux. Les uns rêvent du Grand Soir, les autres du petit matin quand, ayant rangé leur tente, ils reprennent la route là où ils l’ont laissée la veille, bannières au vent. Les uns réclament le droit à la paresse, les autres recherchent la rudesse, celle de la route. Les uns pensent à leur avenir matériel, leur retraite, les autres à leur destin spirituel... après la retraite. Les uns vocifèrent des slogans, les autres chantent des cantiques. Les uns détruisent sur leur passage, les autres ramassent jusqu’au dernier papier gras, seuls, les lieux de bivouacs, martelés comme après le passage d'un troupeau, se souviennent des milliers de godillots. Les uns marchent pour le climat, les autres marchent malgré la météo : l’an passé, pluie diluvienne ! Apparemment, elle ne les a pas dégoûtés.

Les uns ne veulent pas d’enfants, les autres se rencontrent (parfois) au pèlerinage et reviennent des années plus tard avec leur nombreuse progéniture. Les uns veulent faire du passé table rase, les autres veulent tout conserver. Trop, peut-être, de l’avis de certains. Car s’il est de nombreux pèlerinages menant à Chartres chaque année, celui de la Pentecôte a une spécificité : son rite. Chacun l’appelle comme il veut : tridentin, de saint Pie V, traditionnel, en latin ou, comme Benoît XVI, « extraordinaire »…

Au-delà de la jeunesse, France Inter souligne la progression impressionnante des effectifs. 16.000 pèlerins. Anticipant une croissance de 10 %, afin de respecter les autorisations administratives et devant l’impossibilité de gérer une telle colonne sur la route et dans les bivouacs, l’organisation a dû fermer les inscriptions, il y a une semaine. Et c’est encore sans compter les pèlerins « d’en face », ceux de la Fraternité Saint-Pie-X, eux aussi attachés au rite tridentin, qui, le même week-end, font le chemin inverse. Ils ont à ce jour près de 5.300 inscrits (6.000 attendus lundi, à l'arrivée à Paris).

Si même France Inter parvient à surmonter ses préventions pour s’intéresser à cette foule fervente, les évêques français devraient pouvoir, aussi, y arriver ?
Dans un article récent publié dans La Croix, l’historien des religions Guillaume Cuchet tire la sonnette d’alarme : « Le catholicisme risque de ne plus rester longtemps la première religion. » Il s’appuie sur l’enquête Trajectoire et origines de l’INSEE parue en avril, qui constate notamment que si l’islam, de toutes les religions, est celle qui, chez nous, a le meilleur taux de transmission, le catholicisme est, à l'inverse, sur ce plan, la moins bien lotie. Guillaume Cuchet ne s’explique pas que ce « déclassement annoncé » suscite si peu de commentaires dans l’Église, « comme si les évêques sonnés par la crise des abus sexuels ne savaient plus qu’assister, muets et impuissants, à l’effondrement ». Peuvent-ils continuer de s’offrir le luxe de repousser ces ouailles ? Et de ne pas vouloir réfléchir aux raisons de cet enthousiasme ?

Mais l’autre élément marquant ce cette édition, qui, lui, n’a pas été abordé par France Inter, dépasse nos frontières : le pèlerinage de Chartres essaime. Après l’Argentine et l’Australie, c'est d'Espagne et des États-Unis que viendront des équipes logistiques organisant des pèlerinages jumeaux, lancés en 2021. Elles comptent ainsi apprendre in situ à gérer des groupes de grande ampleur.

Il y a quelques jours, encore, le pape François dénonçait, en Hongrie, le danger du « restaurationnisme », de « l’arriérisme » et de la « maladie nostalgique ». Mais comment des jeunes nés quarante ans après Vatican II pourraient-ils se sentir visés par ces mots ? Peut-être vivrons-nous assez vieux (qui sait) pour voir un jour le motu proprio Digitum in oculo : nous nous sommes fourré le doigt dans l’œil ! Dans les fidèles de la messe tridentine, nous avons cru voir un EHPAD, c’était en fait une pouponnière. Et après tout, si ces bambins sont loin d’être parfaits, ils ne font pas, in fine, de si mauvais catholiques. Par les temps qui courent, on ne peut pas se permettre de faire la fine bouche.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 26/05/2023 à 23:57.

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24 mai 2023 à 21:30

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52 commentaires

  1. Très bien …mais méfions nous de cette pseudo gentillesse de France Inter c’est peut être une ruse pour mieux attaquer ensuite les cathos .

  2. Plaisir partagé à lire. C’est un signe des temps annoncé dans les évangiles. Un symbole d’amour dans ce monde perturbé d’aujourd’hui qui n’annonce pas une belle perspective.

  3. Excellent, excellentissime !! Merci Madame Cluzel et un grand merci à toutes celles et ceux qui de prés ou de loin participent à l’organisation du Paris/Chartres !

  4. Quand le vent tournera je me convertiras ; Quand les vents tourneront nous par chemins nous irons . . . .

  5. Surprenant de la part de cette radio réputée « antifra », lire antifrançais!

  6. Chartres c’est très bien mais c’est très loin pour nous ! (17h de voiture AR) Pourquoi n’y a t-il pas une grande procession par évêché ?

    1. Demandez-le à votre évêque ,vous verrez bien ce qu’il vous répondra .
      Il n’y a pas que Chartres ,Lisieux,ou Lourdes.
      Quelques petites chapelles perdues dans la campagne ,peuvent, peut-être , se voir restaurées à peu de frais par des «gens de bonne volonté »et servir de base à des barbecues-prières .
      Puisque, désormais, tout doit être festif .

  7. Faisant en ce qui me concerne: Chartres – Paris, je partage chère Gabrielle votre enthousiasme , quant aux évêques, à part un ou deux, il y a longtemps qu’ils ne savent plus ce qu’est le catholicisme, et avec le Pape François, l’église peu à peu se meurt au grand jour de par son absence de volonté d’apporter l’évangile.

    1. Mais oui, oui ; et quand on a « sous la main » un vrai porteur de la parole de l’évangile, on le traite comme un employé domestique de bas de hiérarchie ! Allons, allons, nouveaux « bien-pensant » de l’autre bord, mea culpa et retour aux cours d’éthique mal assimilés, déjà en matière de soins médicaux, à approfondir…

  8. Le miracle se fait également dans un « autre « camp », celui dit « des progressistes. M. Macron constate avec effroi -ou pour se réjouir – que la France est en voie de décivilisation avancée et le parti LR se rend compte médusé que l’immigration heureuse non seulement est un leurre mais que , de plus, il faut la déconstruire au plus vite. Il faudra beaucoup de temps, de volonté et d’efforts pour relever le champ de ruines appelé France. Je reste, cependant, sceptique : cet « autre camp » a désindustrialisé la France en faisant fuir les entreprises françaises de la France, son projet est maintenant de parachever cette oeuvre en faisant installer des entreprises étrangères en France à coup de milliards d’€ payés par les contribuables français, ces entreprises étrangères auront vont vite fait d’une bouchée des entreprises françaises encore présentes dans le pays !

    1. Selon mes informations, disponibles partout ailleurs que sur les chaînes aux ordres, ce n’est pas la France qui se désindustrialise,mais qui est , plutôt, pas désindustrialisée sur ordres de nos «libérateurs » d’outre Atlantique et de leurs serviteurs européens.

  9. Et pourtant ça marche! Ça court même!
    J’ai applaudi ces jours-ci au passage du pèlerinage de Saint Gens qui, depuis Monteux juqu’à l’ermitage éponyme célèbre à chaque mois de mai ,l’intercession de ce Saint faiseur de pluie! Ils étaient une vingtaine de coureurs à se relayer pour à porter sur une quinzaine de kilomètres l’effigie du Saint! Et le lendemain il a plu. ..et il pleut encore…..

  10. Le souhait le plus fort de Dieu, c’est qu’aucun humain ne se perde. Je n’invente pas, c’est l’Église qui le proclame. Personne n’est prédestiné à l’enfer, pas même France Inter mais il y a du boulot !

  11. On approche de la fin des temps, l,église doit vivre sa passion puis ressusciter, et le germe de sa résurrection, c’est la tradition, n’en déplaise à son fossoyeur François.

  12. Qui sait … ne sachant plus à quels saints se vouer, peut-être s’en remettent-ils à Notre Dame. Devons nous croire aux retour des enfants prodiges ?

    La route est longue, la pente est rude …

  13. Et oui, d’un côté des pèlerins qui marchent, de l’autre une immense réunion de gens qui viennent s’agiter et polluer des terres au son d’une musique qui vous détruit le cerveau à grand renfort de substances illicites. Deux visions de la société et la société « En marche » n’est pas forcément celle qui marche…Faites votre choix. Le mien est fait.

    1. Pour ne pas employer des moyens plus forts. Le gouvernement détruit la France au profit des envahisseurs qui ricanent bien à l’abris des banlieues invulnérables qui abritent des combattants en attente du grand ravage de notre territoire. Les français sous-estiment ce danger. C’est une toile d’araignée qui s’étend de jour en jour avec l’aide de nos gouvernants, tout le territoire va être englué, peut-être à la fin de cette année même.

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