Livre : Demain la France, de Xavier Patier, ou l’énarque et la nouvelle trinité
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Xavier Patier est énarque. Xavier Patier est romancier, et romancier plutôt doué. Cumuler les prix Jacques-Chardonne et Roger-Nimier n’est pas fait pour déplaire.
Les Éditions du Cerf viennent de publier son dernier opus : Demain la France – Tombeau pour Mauriac, Michelet, de Gaulle. Xavier Patier démarre fort et prend par surprise : cinquante ans après leur mort, il voit en Mauriac l’incarnation de la foi, en de Gaulle celle de l’espérance et en Michelet – son grand-père – celle de la charité. Les trois vertus théologales, rien que cela ! En communication directe avec Dieu, pas moins ! Pas question de vertus cardinales, désespérément humaines !
Il note aussi que, dans ce demi-siècle français, ces trois vertus ont été déconstruites. Selon Xavier Patier, la foi mauriacienne a cédé la place à la tentation identitaire (?), l’espérance gaullienne a viré au déclinisme (?), la charité michelettienne au populisme (?).
Il y a beaucoup à dire sur les prémices et tout autant sur le constat.
Mauriac, la foi. Qu’en sait-on ? Dieu seul sonde les reins et les cœurs et tous les écrits de Mauriac – spécialement son Ce que je crois – ne sont que des indices. S’agissant d’une relation personnelle avec Dieu, qui peut se vanter de juger de la réalité de la foi d’autrui ?
De Gaulle, l’espérance. Il ne suffit pas d’intituler ses mémoires Mémoires d’espoir pour incarner l’espérance. L’espoir n’est pas l’espérance et on n’aperçoit pas en de Gaulle le début d’un indice de cette espérance chrétienne qui ne peut être que Dieu seul, comme le rappelle Benoît XVI.
Michelet, la charité. Pour le coup, il s’agit d’une vertu ayant des effets terrestres visibles. Eh bien, en vérité, la charité de Michelet était quelque peu sélective. Curieusement, elle était aux abonnés absents dès qu’il s’agissait de prochains dont le gaullisme n’était pas aussi intégral que celui de Michelet ministre de la Justice, lequel n’a pas eu d’état d’âme à rétablir, en 1960, sur injonction gaullienne, la peine de mort en matière politique.
Saint Paul écrit : « Si je n’ai pas la charité, je ne suis qu’airain qui résonne ou cymbale qui retentit. » Et encore : « Si je n’ai pas la charité, je ne suis rien. » La charité de Mauriac et de De Gaulle ? Hum, Hum…
Sûr, le livre de Xavier Patier fourmille en notations et analyses fines, certaines pertinentes, d’autres douteuses. Mais la profusion, la confusion et la contradiction viennent peu à peu embrouiller l’ensemble. Et, malheureusement, pour une bonne moitié, l’ouvrage se métamorphose en un désolant encensement de Mauriac. On voit le tableau : un amoncellement dont il convient d’extraire quelques pépites.
En 1964, après la publication par Mauriac de son béatifiant De Gaulle, Jacques Laurent fit paraître un étincelant Mauriac sous de Gaulle. Verra-t-on, cinquante et quelques années plus tard, apparaître, mutatis mutandis, un réjouissant « Patier sous Mauriac » ?
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