À quoi reconnaît-on un faucon dans l’administration américaine ? Il ose tout.

La dernière facétie des héritiers des néo-conservateurs chers à George Bush et promoteurs de la brillante intervention en Irak est bien dans la tradition subtile de leurs prédécesseurs. Mais le représentant spécial américain pour l’Iran, Brian Hook, a innové. Il a, en effet, envoyé un courriel au capitaine indien d’un pétrolier suspecté de transporter du pétrole iranien à destination de la Syrie.

L’honorable fonctionnaire américain ne fait pas dans la dentelle et propose plusieurs millions de dollars au capitaine en question après s’être présenté dans les règles : « Je suis Brian Hook, je travaille pour le secrétaire d’État Mike Pompeo et j’ai une bonne nouvelle pour vous. » Suit l’offre financière si le capitaine accepte de dérouter son bateau vers un port où la marine américaine pourra l’arraisonner. La conclusion est digne d’un jeu télévisé : « Avec cet argent, vous pourrez mener la vie de votre choix et vous bénéficierez d’une retraite confortable. » Mais attention, « si vous ne choisissez pas cette solution, votre vie va devenir beaucoup plus compliquée ».

C’est, finalement, ce qui risque d’arriver au malheureux marin car il n’a pas donné suite à cette offre de corruption officielle. Hook va-t-il envoyer la CIA punir l’insolent qui n’a plus qu’à aller demander l’asile politique en Iran ?

C’est le très sérieux quotidien anglais Financial Times qui a révélé cet épisode ubuesque et le département d’État américain a aimablement confirmé l’information et la teneur du courriel.

Brian Hook a ensuite franchi une étape supplémentaire en promettant une récompense de quinze millions de dollars à quiconque fournirait des informations sur les filières d’exportation de pétrole mises au point par les Iraniens pour échapper aux sanctions américaines.

Il est vrai que les Américains sont exaspérés et surpris de la résistance iranienne. Sans exportation de pétrole, l’Iran ne peut plus vivre et Trump comptait bien sur un effondrement économique de son ennemi pour l’obliger à venir à Canossa négocier la reprise de ses ventes de pétrole. Mais il n’en a rien été. Malgré l’affaiblissement considérable de son économie et le mécontentement populaire, l’Iran a choisi une autre tactique : se retirer elle aussi et progressivement de l’accord nucléaire en avertissant les Européens que c’est à eux de trouver une solution, puisqu’ils veulent sauver l’accord en question.

Les Européens ont, d’ailleurs, réagi en proposant une ligne de crédit de 13,5 milliards de dollars contre du pétrole et, en échange, le retour de l’Iran dans l’accord nucléaire. Mais cela exige un assouplissement des sanctions américaines, ce que Trump refuse. Il est, en effet, persuadé qu’un jour ou l’autre, l’Iran cédera et qu’un nouvel accord plus contraignant pour l’Iran pourra être négocié.

En attendant, le conseiller à la sécurité John Bolton a déclaré que le pétrolier litigieux était en Syrie pour livrer du pétrole « au régime meurtrier d’Assad »… La rhétorique idéologique est toujours la même, même si, en Syrie, s’est retrouvée la plus grande coalition islamiste de l’histoire pour détruire ce pays dont les dirigeants n’étaient pas sunnites.

Décidément, les Américains apprennent peu de leurs échecs répétés au Proche-Orient.

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08 septembre 2019 à 15:35

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