Le grand mensonge du duel LREM/RN : la gauche n’est pas morte !

à gauche

À la faveur du résultat des européennes ayant acté l'effondrement du PS et de LR, tous les commentateurs n'en finissent pas de gloser sur le duel LREM/RN qui structurerait désormais, pour le grand bonheur des deux protagonistes, la vie politique française recomposée. Dans la Macronie, on commence même à s'en inquiéter, comme le révèle un article du Monde intitulé « La grande peur de La République en marche face au danger du Rassemblement national » : le Président n'aurait-il pas eu tort d'entraîner la France dans cette voie avec comme unique opposition le RN, toute opposition ayant vocation un jour à bénéficier de l'alternance ? Il y a donc des marcheurs lucides. Et, d'Ismaël Emelien à Pascal Canfin, on souhaite l'émergence d'une opposition de gauche rouge-vert. Là encore, leur vœu est lucide. Et, en fait, déjà exaucé.

Revenons aux chiffres : en 2017, le premier tour de l'élection présidentielle dessinait un paysage clair de quatre blocs représentant chacun environ 20 % : LREM faisait 24, le RN 21, LR 20 % et LFI 19. Le PS mourait de ses contradictions, son électorat rejoignant Macron, Mélenchon ou Hamon. Deux ans après, l'un de ces quatre blocs, lui aussi miné par ses contradictions, a connu le même sort : la droite LR est morte. Mais ces élections européennes ont donné l'illusion que le bloc de gauche LFI de 2017 s'était aussi dissous, laissant seuls maîtres du jeu LREM et RN.

La disparition de la gauche constitue bien l'illusion de ces dernières élections. Les chiffres le prouvent. Avec la surprise des Verts arrachant une belle troisième place à plus de 13 %. Il suffit de regarder les cartes électorales, notamment dans les villes, pour constater que l'électorat de Mélenchon de 2017 s'est retrouvé dans la liste EELV deux ans plus tard : l'Est parisien est devenu vert. C'est-à-dire rouge. On a oublié, aussi, que Mélenchon, en 2017, avait fait une campagne très verte.

La gauche rose-vert, non seulement n'est pas morte, mais a des capacités de résilience que n'a plus du tout la droite LR :
- la jeunesse de son électorat ;
- des cadres et des structures ;
- une nouvelle utopie : le climat ;
- et, surtout, électoralement, des réserves : le PS Glucksmann a fait 6 %, Hamon 3 %, Manon Aubry 6 %. On a ironisé sur ces faibles scores, mais cela constitue un total de 15 % ! - des réserves inexistantes à droite ;
- enfin, la culture d'un sentiment unitaire et d'un vote utile capable d'agréger rapidement ces réserves à une base : 19 % en 2017, 13,5 % en 2019, c'est un socle pour d'autres succès.

Donc, que la Macronie se rassure : elle trouvera tôt ou tard une opposition de gauche sur sa route. Pour le RN, désormais seul pôle attractif à droite, cela peut être une bonne ou une mauvaise nouvelle : une bonne si cela stimulait les dégels, encourageait les évolutions d'un RN trop monolithique et contribuait à affaiblir LREM, mais une mauvaise si cette gauche qui sait se réinventer en mode caméléon venait à le coiffer au poteau. Les municipales seront un très bon test pour cette résilience de la gauche, puisque c'est dans les villes qu'elle est puissante.

La recomposition politique n'est plus, à présent, entre les mains des marcheurs mais dans les jambes des coureurs, à gauche et au RN.

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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