Le Garde des Sceaux n’est pas la « Reine des neiges », c’est bien dommage !

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Madame Belloubet a créé la surprise, lundi, à l’Assemblée, en répondant à un député communiste qui critiquait son projet de reforme de la Justice : « Je ne suis pas la Reine des neiges ! »

Ah bon ? Elle lui ressemble, pourtant! Surtout au moment où ladite reine défait, en signe de liberté, ses longs cheveux tombant sur ses épaules en volutes blondes. C’est tout à fait elle. Enfin, de dos !

On reconnaît dans cette « accroche » l’habileté rhétorique que nous autres, profs de fac, déployons quand nous devons capter l’attention des quelque 500 étudiants, parfois indisciplinés, de nos grand amphis - auxquels des députés ressemblent parfois.

L’accroche fut suivie, comme il est d’usage, par une plongée dans le cœur du sujet : « Si j’étais la Reine de neiges, je serais “libérée, délivrée”, mais là, avec ce projet, je suis plutôt dans la philosophie de notre action, que visiblement vous ignorez : “libérer, protéger, unir”."

En avril 2018, sur TF1, Emmanuel Macron avait en effet lancé cette formule qui a été, depuis, déclinée sur tous les tons par Richard Ferrand, Édouard Philippe, et tous les ministres et élus macronistes. Cette allégeance publique au Président était peut-être inutile : le projet est « technique » et assez défendable en lui-même.

On sait que sa corédactrice, la députée Laetitia Avia, a du mordant… mais on sait moins qu’elle a commencé une carrière d’avocat dans un grand cabinet. On sait que Didier Paris, autre corédacteur, était sous-préfet avant d’être élu député En Marche !, mais on sait moins qu’il fut de longues années juge d’instruction.

De ce fait, comme pour la réforme de la santé, on assiste à la prise en compte inhabituelle de la réalité, et donc à un pragmatisme de bon aloi.

Rapprocher le multi-centenaire contentieux judiciaire de la simplicité du jeune contentieux administratif est plutôt une bonne idée. Multiplier les TIG (travaux d'intérêt général) au lieu de laisser les délinquants rager ou déprimer dans les cages dorées des prisons déshumanisées est une solution que les galères et le bagne offraient naguère avec un certain succès. Déjà, sous Aristote, les ennemis vaincus ou les repris de justice creusaient les routes, faisaient les ponts. Une technique sûre, du reste retrouvée par Staline ou Mao pour les supposés « ennemis de l’intérieur ».

Rétablir, via des internats pour mineurs délinquants, les maisons de redressement est également souhaitable. Pour avoir visité celle de Fontevraud, je peux témoigner qu’elles isolaient les fortes têtes dans de jolies maisonnettes de campagnes propres à les détourner des hall d’escaliers des HLM de banlieue.

Quant à l’augmentation des places de prison et des crédits… Quiconque s’est rendu plusieurs fois dans une maison d’arrêt ou dans le bureau d’un juge sait qu’elle était urgente.

Payer pour les missions régaliennes de l’État, même les gilets jaunes le feraient volontiers.

Mais le Garde des Sceaux a peut-être été imprudent en citant cette chanson de La Reine des neiges, car celle ci continue ainsi :

« Libérée, délivrée
Je ne mentirai plus jamais. »

Or, laisser en liberté, avec un simple bracelet électronique, un violeur ou un criminel n’est pas, comme elle le dit, une solution efficace car cela n’empêche pas, hélas, la récidive. Et dire qu’on tend vers plus de justice alors qu’un gilet jaune encourt quatre mois de prison pour un blocage de route quand tant de récidivistes sont en liberté, c’est mentir, tout simplement

Il reste aux Français que cette permissivité révolte le rêve de forcer le ministre à mettre en actes la phrase finale de la chanson :

« Libérée, délivrée
C'est décidé, je m'en vais. »

Catherine Rouvier
Catherine Rouvier
Docteur d'Etat en droit public, avocat, maitre de conférences des Universités

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