Le cri de souffrance de ces femmes qui ont subi une IVG sous la contrainte

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Trois femmes, trois visages, trois parcours de vie mais une même douloureuse souffrance. Ce mardi 27 février, dans un restaurant parisien, Ophélie, Virginie et Sylvie (*), la voix enrouée et les yeux embués, témoignent à cœur ouvert. Toutes les trois ont subi un avortement, poussées par leur entourage, il y a plusieurs années. Et toutes les trois le regrettent aujourd’hui. Alors que le Sénat doit débattre de l'inscription de l'IVG dans la Constitution, ce 28 février, ces femmes, rassemblées par le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), acceptent de raconter leurs histoires personnelles aux parlementaires qu’elles rencontrent cette semaine. Objectif : leur ouvrir les yeux sur les angles morts, bien souvent négligés, de l'avortement.

« Mon compagnon s’en est lavé les mains »

« On nous parle de liberté aujourd’hui. Mais moi, j’aurais aimé que la République me donne la liberté de garder mon enfant, j’aurais aimé qu’on m’aide. » Si, aujourd’hui, Virginie, qui n’a toujours pas osé avouer à ses parents qu’elle avait subi un avortement alors qu’elle avait 19 ans, accepte de prendre la parole, c’est pour montrer aux élus un autre versant de l'interruption volontaire de grossesse (IVG). La voix tremblante, l’enseignante poursuit : « On parle beaucoup de libération de la femme. Mais pour moi, l’IVG a juste permis à mon compagnon de se laver les mains. » Comme Virginie, Ophélie a, elle aussi, été contrainte par son compagnon d’avorter. « Il ne voulait pas s’investir, il ne voulait pas de cet enfant. Je n’ai pas eu d’autres possibilités que d’avoir recours à l’avortement. Sous la pression, je me suis sacrifiée », nous raconte-t-elle. Et Sylvie d’abonder : « J’étais étudiante, j’avais un gros emprunt sur le dos. Au début, je me suis dit qu’il était hors de question que je n’assume pas mes responsabilités. » Mais rapidement, face à la pression et sans soutien, elle cède et avorte.

Pour éviter que d'autres femmes avortent sous la contrainte, l’ECLJ réclame donc le rétablissement du délit d’incitation à l’avortement, prévu par Simone Veil mais supprimé en 2001. D’autres femmes, contactées par l’ECLJ, bien qu'elles assurent ne pas avoir subi de pressions de leur entourage, regrettent et souffrent qu’on ne les ait pas informées des conséquences d’un tel acte.

Car si le site ivg.gouv.fr promet, sur « la base d’études scientifiques fiables », que l’IVG n’est « pas à l’origine de troubles psychologiques spécifiques », ces femmes témoignent du contraire. Les jours après l’intervention, « j’avais l’impression de me sentir mourir », nous confie Ophélie, qui se souvient s’être effondrée - physiquement et psychologiquement - quelques semaines après l’IVG. Un sentiment partagé par Virginie. Perte d’estime de soi, pensées suicidaires… Près de vingt ans après les faits, « l’hôpital reste un lieu traumatique », reconnaît-elle. Récemment encore, alors qu’elle devait subir une simple intervention au poignet, le traumatisme est revenu la submerger. Sylvie, quant à elle, qui a aujourd’hui la grâce d’être mère de quatre enfants, explique : « L’avortement a abîmé ma capacité à être mère. »

Immense solitude

Alors que les parlementaires se penchent sur la question et qu’un Congrès se profile pour entériner l’inscription de « la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une IVG » dans la Constitution, Sylvie, Ophélie et Virginie appellent par ailleurs à davantage d’accompagnement. Accompagnement psychologique d’une part et propositions d'alternatives d'autre part. Toutes regrettent le manque de suivi psychologique. « Lors du rendez-vous psychologique, j’ai menti sur mes conditions. J’aurais aimé que le psychologue creuse et se rende compte que je n’avais pas de difficultés financières, que je n’avais pas envie d’avorter », commence Ophélie. « Quand je me suis rendu au Planning familial, j’avais la sensation d’aller à l’abattoir. On passait toutes à la chaîne. Je rêvais que quelqu’un vienne, me prenne par le bras et me sorte de là », souffle la jeune femme, cinq ans après son IVG. « J’ai dit qu’avorter n’était pas ma volonté première mais à aucun moment on m’a présenté une alternative », complète Virginie. Et Sylvie, qui hoche de la tête aux témoignages de ses comparses, confirme leur expérience. Confrontée elle aussi à cette immense solitude, elle essaie aujourd’hui d’être présente pour offrir « une main tendue, une parole, tout ce qu’on n’a pas eu », aux femmes confrontées à leur situation. Mais à l'heure où l'avortement est banalisé, ces témoignages de souffrance semblent inaudibles.

Pour ces trois femmes, l’inscription de l’IVG dans la Constitution reviendrait à « nier leur souffrance ». « Tout le monde parle de l’avortement comme d’une liberté, il n’y a donc pas de place pour notre parole », regrettent-elles. « On aimerait avoir le droit de parler », abonde l'une d'elles. L’ECLJ, qui s’engage aux côtés de ces femmes, demande donc aux députés et sénateurs de s’interroger sur les angles morts des politiques publiques en matière d’avortement. À savoir les pressions de l'entourage, le traumatisme possible, l'absence d’alternatives et la progression du nombre d’IVG en France (234.300 en 2022). Peut-être les parlementaires se souviendront-ils alors que Simone Veil demandait à ce que l'avortement reste une « exception »« C'est toujours un drame et cela restera toujours un drame. »

*Le prénom a été modifié

Clémence de Longraye
Clémence de Longraye
Journaliste à BV

Vos commentaires

24 commentaires

  1. Merci, Madame !
    Quand le monde médiatique est submergé par :
    – l’obscurantisme de quelques extrémistes : « mon corps m’appartient » qui nient carrément qu’un avortement implique bien davantage que leur corps…
    – la veulerie de la « bienpensance » ordinaire qui se veut imperméable à toute considération morale,
    votre chronique amène un air de liberté bienvenu ! Soyez en remerciée !
    Oui, la constitutionnalisation de l’avortement, absurde dans son principe (la Constitution n’est pas faite pour cela ) serait surtout criminelle en ce qu’elle bafouerait la liberté de conscience des femmes contraintes à avorter sous la pression de l’entourage, des personnels médicaux qui seront contraints d’y participer et des simples citoyens qui refusent la mise à mort des plus faibles.

  2. Dans tous les interviews on ne parle que de la femme et du droit de disposer de son corps,
    jamais entendu parler du petit être qui grandit dans le corps de cette femme !

  3. Certes, il ne me viendrait pas à l’idée de contester que pour certaines personnes ce soit un drame, mais pas non plus de généraliser que ce soit un drame pour toutes et j’ai malheureusement connu quelques exemples. Par contre, à part quelques cas définis avec justesse dans la loi Veil, je trouve que cette pratique est trop souvent mise en œuvre à l’époque ou il y à la contraception, avant, pendant et après, sans en arriver à ce qu’il faut bien qualifier de crime.

  4. Il est clair que j’ai reçu dans mon bureau de psychothérapie, nombre de femmes dans ce cas. Difficile pour elles de se déculpabiliser. Cette douleur à la fois physique (subie comme un arrachement d’une partie de soi-même) , morale (j’ai fait tuer mon enfant), et spirituelle pour certaines, est horrible à vivre. Elles ont besoin de maternage pour elles -mêmes, et surtout qu’on leur pardonne ce qu’elles ne se pardonnent pas.
    A côté de cela, nombre de femmes qui confondent avortement et méthode de contraception. (parce que c’est une corvée, un poids de prendre la pilule tous les jours sans oublier). Mais celles là, si je les aient entrecroisées à l’Hôpital, je ne les ai jamais eues dans mon cabinet.

  5. Le Pape a fait savoir qu’il était contre l’avortement,
    où sont nos évêques pour rapporter cette parole ?

  6. Quel est le qualificatif pour un acte destiné à supprimer une vie ? Alors, je ne comprends toujours pas comment on peut vouloir inscrire l’avortement dans la constitution. Ou alors, il faut y enlever la suppression de la peine de mort. Le conseil des pseudo-sages ne pourra jamais admettre d’écrire une chose et son exact contraire dans la constitution. D’autre part, que deviendra le sermon d’Hippocrate dans tout ça ? Va t’on en changer le texte ? Et quel sort réservé à ceux qui l’ont déjà fait ? « En présence des maîtres de cette école, …., je promets et je jure au nom de l’être suprême de rester fidèle aux lois de la probité dans la médecine … Mon état ne servira ni à corrompre les moeurs, ni à favoriser le crime, … ». Un serment que tous les médecins, du moins en France, on prononcé. Mais machiavel trouvera bien un « en même temps » pour salir ce beau serment !

  7. Ce matin à 8h45 sur RTL, nouvelle chronique insultante de Philippe Cavérivière ! Cette fois-ci, il parle d’IVG en se moquant des gens du Nord qui sans l’IVG auraient prétendument une trentaine d’enfants au lieu d’une dizaine avec l’IVG…

  8. « Les féministes » crient, plutôt vocifèrent, à qui mieux mieux que leur vagin leur appartient. Certes, le vagin peut-être mais l’esprit surement pas. Mais elles ont gagné face à des polititocards incapables de leur tenir tête et l’IVG sera inscrite dans la constitution. Et il y aura 200000 morts par an remplacé par autant de …. migrants !! Mais, une constitution, cela se change et se transforme, parfois !!

  9. L’alternative? La contraception! De nos jours et depuis longtemps elle existe ! Plusieurs méthodes donnent le choix . Ces femmes ont sans doute souffert du sacrifice mais il fallait peut-être qu’elles y pensent avant !

  10. Vaste sujet brulant, qui a oubliè des avortements clandestins pour beaucoup on fini dramatiquement soit par disparition soit par prison avec des faiseuses d’anges c’est pas si loin que cela, oui a présent il y a des moyens de préventions pour éviter ce qui ne serai pas désiré et avorter est un crime dans certains cas car la science montre que les gamètes font parti du vivant et la tuer est un traumatise perpétuel mais quant à ces personnes qui en ont subit certaines aussi dans le cas contraire auraient fait des malheureux, vaste sujet ambigüe.

  11. L’avortement comme l’un des fruits pourris de la libération sexuelle ? Dire que la suppression d’un enfant non-né est un meurtre vous fait encourir de graves sanctions et pourtant la gestation est un processus continu qui conduit à la naissance d’un nouveau petit d’homme : la vie commence donc au moment de la fusion initiale de ces 2 gamètes à N chromosomes donnant UNE seule cellule à 2N chromosomes qui se multipliant donne 9 mois plus tard ce bébé qui fait la joie de sa famille ! Donc forcément avorter est un drame et un échec et toutes les manœuvres psychologiques n’y changeront rien . C’est donc à nous pauvres humains , homme et femme , ensemble au moins le temps de concevoir , à prendre nos responsabilités en science et en conscience . L’ Homme évolué du 3ème millénaire ,capable d’aller dans…les étoiles , ne vaudrait-il pas mieux que le singe Bonobo ?

  12. Et effet l IVG reste un drame. Il n a pas place dans la constitution.
    D autre part le nombre d IVG est alarmant et on pourrait se poser la question de son rôle dans le panel de choix de la contraception.

  13. « Simone Veil demandait à ce que l’avortement reste une « exception ». « C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. » » Tout est clair dans cette phrase sauf que nos élus en ont décider autrement . Comme pour opérer des ados qui veulent changer de sexes ils s’enfoutent des conséquences , le mal les habite , la volonté de détruire les hante .

    • La souffrance des autres n’est pas leur problème.
      Nous devons remarquer que les hommes sont malhonnêtes et n’assument pas leur acte.

      • Un homme qui veut un bébé dépend complètement de de la femme qu’il aime, non? Cessons de dire que les hommes sont malhonnêtes. Les femmes le sont autant!

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