Le confinement qui rend fou : un remède pire que le mal ?

PEUR

« Restez chez vous, sauvez des vies ! » Tel était le slogan martelé ad nauseam pendant le premier confinement. Le confinement aveugle et absolu de toute la population française, décidé dans l’impréparation et la précipitation, aurait, c’était à prévoir, des conséquences psychologiques, et donc sanitaires, dramatiques. On commence tout juste à les mesurer, à peine à en parler. Comme d’un tabou qu’on lève précautionneusement, à bas bruit, de peur d’être taxé de « négationniste » du Covid-19.

Dès la sortie du confinement, nombre de psychiatres ont alerté sur le phénomène de décompensation des personnes atteintes de maladies psychiatriques : « les gens ont tenu, tenu, et maintenant ils craquent », expliquait Roland Jouvent, psychiatre à la fondation Rothschild. Il y a eu les malades dont la prise en charge a été retardée. « J’ai eu une patiente qu’on a rattrapée de justesse ce matin, elle allait s’envoler par la fenêtre. Ces maladies tuent, quand elles ne sont pas prises en charge correctement », se désole le docteur Fayçal Mouaffak, chef de pôle à l’établissement de santé mentale de Ville-Évrard, en Seine-Saint-Denis, qui, dans les colonnes du Point, dit redouter « une vague psychiatrique derrière la vague épidémique ».

Tous, urgences hospitalières comme médecine libérale, alertent sur l’augmentation exponentielle des consultations en psychiatrie. Selon EPI-PHARE, Agence publique d’épidémiologie des produits de santé, « parmi les médicaments dont la consommation a augmenté, en fin de confinement et durant la période qui a suivi, figurent des médicaments des troubles mentaux : les anxiolytiques (augmentation de +1,1 million de traitements délivrés en six mois par rapport à l’attendu) et les hypnotiques +480 000 traitements délivrés. »

L’homme est un animal politique, c’est-à-dire social. L’isolement social, quand il est imposé, est subi et peut avoir de dramatiques conséquences. Car c’est en premier lieu le lien social, les relations familiales et amicales plus ou moins élargies qui jouent le rôle de soupape. L’absence de perspective aggravée par des restrictions à répétition - confinement, déconfinement, couvre-feu et reconfinement – et induites par un discours public systématiquement moralisateur et anxiogène dessine pour le Français, aujourd’hui, une sorte d’enfermement au carré.

Troubles de l’humeur et du sommeil, anxiété, addictions, pulsons suicidaires, voire hallucinations, sont autant de manifestations observées depuis l’après-confinement. Chez certains, elles ont la violence du syndrome de stress post-traumatique, « avec beaucoup d’épisodes psychotiques graves chez des patients sans aucun antécédent psychiatrique ». Ce confinement a eu des conséquences économiques désastreuses que l’on ne mesure pas encore, mais cela se traduit aussi par le massacre moral et sanitaire d’une partie de la population française. Ce que l’on appelle pudiquement les « dégâts collatéraux ».

Et puis il y a l’apparition de troubles psychiatriques graves chez des personnes qui n’en avaient jamais eu, mais qui sont de plein fouet touchées par la crise économique induite par le confinement. Une enquête de la fondation Jean-Jaurès menée par Michel Debout, psychiatre, professeur de médecine légale et membre de l’Observatoire national du suicide, livre des résultats effarants : 20 % des personnes interrogées ont déjà envisagé sérieusement de se suicider, chez les artisans-commerçants le taux monte à 25 %, et à 27 % chez les chômeurs et les dirigeants d’entreprise. Soit une personne sur quatre. Chômeurs, dirigeants d’entreprise et artisans-commerçants sont donc les populations les plus à risque de suicide, « une gravité particulière qui devrait alerter les pouvoirs publics […] La cause principale des morts violentes des commerçants a donc pour nom le suicide des petits entrepreneurs. Ce que nous montre notre enquête, c’est que, à l’avenir, ces catégories de la population pourraient avoir une pratique suicidaire qui se rapproche de la situation que connaissent déjà les agriculteurs, catégorie sombrement touchée par ce fléau en France. »

La fermeture des petits commerces, des libraires, des agences immobilières, des bars et restaurants, des théâtres et des fleuristes au motif qu’ils sont non essentiels est plus qu’une forfaiture : c’est un crime de non-assistance à personne en danger.

Marie d'Armagnac
Marie d'Armagnac
Journaliste à BV, spécialiste de l'international, écrivain

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