Le « baiser de Judas » de Darmanin à Ciotti, dernière manœuvre du pouvoir avant le congrès LR

Pourquoi diable se livre-t-il au jeu risqué des pronostics ? Invité, le 29 novembre, sur BFM TV, Gérald Darmanin s’est lancé sans filet dans la prédiction de l’issue du scrutin des primaires LR, le 4 décembre. Le congrès du parti s’ouvrira mercredi 30 novembre en forme de conclave. Il désignera le candidat de la droite qui courra dans un étroit couloir, entre les quelque 35 % d’intentions de vote en faveur de Zemmour et Le Pen et les 25 à 30 % des suffrages acquis à Emmanuel Macron. Darmanin a conservé des contacts à droite, dans son camp d’origine. Il connaît bien ceux qu'il a trahis : « Beaucoup me disent qu’Éric Zemmour, heu, non, pardon, Éric Ciotti a de grandes chances de gagner », lâche Darmanin. On laissera les interprétations psychologiques du lapsus pour se concentrer sur Ciotti annoncé gagnant. « Éric Ciotti est sans doute la personne la plus sincère dans ce débat », assure Darmanin, relayant une opinion largement partagée à droite. Il représente « la droite très dure, voire la droite extrême », poursuit cette pièce maîtresse de la Macronie qui donne ainsi le baiser de Judas. Il sait tout, Darmanin. Ciotti « nommerait Wauquiez à Matignon et Le Pen à l’intérieur ». Sa conclusion ? : « Je ne serais pas étonné qu’il [Ciotti] soit non seulement au second tour mais gagne l’élection de la primaire. » Les LR qu’il connaît « vont voter Éric Ciotti », ajoute la Madame Irma du congrès LR.

Cette mansuétude soudaine pour des idées que le gouvernement auquel il appartient ne cesse de vitupérer s’explique aisément par un calcul bassement politicien. L’essence de la Macronie. Les sondages présidentiels donnent tous une plus large avance à Macron si les concurrents LR sont représentés par Ciotti que s’ils sont incarnés par Barnier, Bertrand ou Pécresse. S’il était désigné, Ciotti ne mordrait pas sur l’électorat macroniste, au contraire d’un Bertrand, d’une Pécresse ou d’un Barnier. Par cette prédiction manipulatrice, Darmanin plaide donc grossièrement pour son camp. C’est de bonne guerre, direz-vous, mais seulement si on se situe, comme Darmanin, dans l’enfer des jeux politiciens et si on oublie l’intérêt de la France pour se concentrer sur un enjeu partisan : la réélection de Macron. C’est de bonne guerre si on oublie les enjeux dramatiques qui accompagnent l’élection présidentielle.

Darmanin manœuvre, mais les apprentis sorciers sont parfois victimes de leurs philtres. Et le trio Le Pen, Zemmour et Ciotti, s’il parvenait un jour à coaguler (hypothèse d’école, pour l’instant), pourrait bien secouer les calculs froids, la quiétude et la morgue des Darmanin, Macron et consorts.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois