On n'a presque jamais vu Vincent Cassel s'engager en politique sur un sujet dit d'actualité. C'est à mettre à son crédit, car beaucoup de ses collègues français n'ont rien de plus pressé que de mettre leur nom en bas d'une pétition désespérément politiquement correcte, pour l'accueil de la Terre entière ou l'IVG sans conditions. La seule fois où il est sorti de sa réserve, c'est lorsqu'il s'est engagé pour la préservation de la forêt amazonienne au Brésil, où l'on sait qu'il vivait une bonne partie de sa vie, y compris pendant son mariage avec la divine Monica Bellucci.
L'acteur vient de donner une longue interview à nos confrères du Guardian britannique. Il s'y exprime sans détour sur sa carrière et sur la société contemporaine. Tout ce qu'il dit est intéressant, et on ne saurait trop conseiller à nos lecteurs anglophones de se plonger dans la version originale. Cassel revient d'abord sur ses rôles « physiques » (qui font partie du boulot, dit-il, mais ne veulent pas dire qu'il soit lui-même violent), sur les films choquants qu'il a tournés (dont Irréversible, difficile à regarder mais objectivement de haut niveau, qu'il a d'ailleurs coproduit). Un sans-faute peu politisé pour commencer, sauf quand il évoque son dernier rôle, dans Liaison, aux côtés d'Eva Green, et se hasarde à dire ce que nous pensons tous : la Grande-Bretagne n'a pas attendu le Brexit pour être à la fois le dilettante de l'Union européenne et le satellite américain le plus proche de nous.
Sans que l'on n'y prenne initialement garde, Vincent Cassel glisse une ou deux réflexions sur le métier d'homme : le journaliste lui pose une question sur son physique, impressionnant pour ses 56 ans. L'acteur répond qu'ayant une fille de trois ans, c'est la moindre des choses qu'il reste solide, pour l'emmener courir ou la faire voler dans ses bras. Décidément sympathique, il revient aussi sur son rôle dans Liaison, pour la préparation duquel il a fréquenté de dangereux mercenaires, et en tire la conclusion suivante : ce qui l'a le plus surpris, c'est qu'ils « n'ont pas l'air dangereux. Ils doivent parfois se faire passer pour des mauviettes. On pourrait se dire [en les voyant] qu'on va les battre, mais on ne peut pas. C'est une autre façon de montrer ce que c'est que d'être un homme. Vous savez, être un homme, ce n'est pas essayer d'être un homme bodybuildé, c'est seulement prendre ses responsabilités. » Et de prendre Instagram pour contre-exemple, puisque le réseau dit social contraint tout le monde à une vision caricaturale de la sexualité alors qu'il s'agit toujours, dit Vincent Cassel, d'être soi-même.
La conversation se poursuit sur le terrain de la « masculinité » honnie et de l'influenceur Andrew Tate, désormais célèbre dans le monde entier - et en garde à vue en Roumanie pour proxénétisme. Vincent Cassel, quoiqu'il reconnaisse le caractère assez détestable du bonhomme, ose confier au Guardian qu'il dit des choses intéressantes sur le concept de masculinité. La bombe peut alors être lâchée : « C'est presque une honte d'être viril, de nos jours. Il faut être plus féminin, plus vulnérable. Mais écoutez, si les hommes deviennent trop vulnérables et trop féminins, je pense qu'il va y avoir un problème. »

Être exemplaire et solide pour ses enfants ; être sûr de soi en tant qu'homme, c'est-à-dire ne pas en faire des tonnes pour masquer son manque de fond ; assumer la polarité sexuelle que l'on représente et avancer malgré les injonctions et la haine. Vincent Cassel ne le sait peut-être pas, mais il a résumé, en trois points, une sagesse millénaire. Les deux derniers points qu'il souligne pourraient même être tirés de Métaphysique du sexe, de Julius Evola. Le penseur italien y compare notamment les faux machos à des crustacés, d'autant plus « durs » en apparence qu'ils sont mous et creux à l'intérieur : un homme véritablement dense moralement (et dangereux) n'a pas besoin d'avoir l'air terrible. Evola ne connaissait pourtant ni les rappeurs ni les racailles. Il y dit aussi que le but d'une vie d'homme ou de femme est de correspondre au maximum à l'idéal de son type : l'homme agit sur le monde (par l'action guerrière ou la contemplation ascétique), la femme accueille, donne et se donne (en étant une amante ou une mère). Extrapole-t-on la pensée « cassélienne » en la comparant à celle d'Evola ? Voire...
Eh bien, oui, n'en déplaise à Sandrine et sa docte cabale, un homme déconstruit n'est plus un homme. Les hommes ont toujours été sensibles et vulnérables, mais d'une manière différente de celle des femmes, et c'est très bien comme ça. Le choix qui est aujourd'hui laissé aux hommes (devenir un faux mâle plein de peurs, qui surjoue une caricature, ou un non-mâle, pleurnichard, soumis et persuadé que c'est l'avenir) prépare une génération catastrophique. Les femmes ne veulent pas d'enfants, paraît-il, mais de toute façon, avec quels hommes, si peu dignes de ce cadeau, en auraient-elles ? Vincent Cassel s'offre, après ce salutaire rappel, une amusante pirouette au sujet d'Astérix et Obélix, dans lequel il joue César, « un moyen de s'amuser en mini-jupe », selon lui - parce qu'être un homme, c'est aussi ne pas se prendre au sérieux !
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20 février 2023 à 16:36

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29 commentaires

  1. Cela semble encouragé « d’avoir honte ». Les faiseurs d’opinions dont beaucoup sont subventionnés, ne se le font pas dire trente six fois… Si quelqu’un, aujourd’hui, veut avoir son petit succès, se montrer plein d’amour ( exemple : Mme Cotillard : « mon amour pour les humains augmente »… ) avoir des articles dans certains journaux ( esprit Libé ) etc , c’est la voie à suivre. Une remarque censée, telle celle de Me Jacubowicz à une dite « Insoumise » ,et la machine se met en marche ( boomer, macho, misogyne etc )_ Les outrances de Mme Haenel, en revanche, passent comme une lettre à la poste.

  2. Mon grand-père Britannique avait fait afficher « If » de Rudyard Kipling dans ma chambre d’enfant. Aujourd’hui, à 85 ans, je l’ai toujours !

  3. Il parle peu mais quand il parle… chapeau l’artiste… ses paroles sonnent d’autant plus juste que le monde va devenir de plus en plus dur, et qu’il n’y aura plus de place pour les pleurnichards et les fragiles (caricaturés par Obertone dans « Guérilla »)…

  4. ENFIN, un homme médiatique qui ose mettre les pieds dans le plat et s’opposer à la pression voulant à tout prix déviriliser l’homme. Il n’y a qu’à voir le gouvernement. Cherchons les vrais hommes. Les paléontologues l’ont dit : la féminisation du pouvoir amène la décadence. Curieus que personne ne relève que la décadence occidentale a commencé avec les fantaisies « Rockfeller » (voir interview Russo) !Donc BRAVO à Cassel qui ose.

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