La nano-démocratie française

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Il existe, en science, le domaine dit des nanotechnologies, spécialisé dans l’étude des forces de l’infiniment petit. Avec le premier tour des élections régionales, la vie politique française relève de l’ordre du démocratiquement microcosmique. Il s’agit d’un nano-scrutin qui dotera les futurs élus d’une légitimité populaire absolument insignifiante. Par exemple, les listes du gouvernement « La République en marche » totalisent, sur la France entière, 10,6 % des suffrages avec un taux moyen d’abstention de 66,1 %. Ce parti, qui dispose aujourd’hui de tous les pouvoirs, a par conséquent obtenu, en réalité, 3,6 % des voix au niveau national, chiffre ridiculement bas et qui serait encore bien inférieur en y ajoutant les non-inscrits ainsi que les bulletins blancs ou nuls qui demeurent systématiquement escamotés du décompte officiel.

Pour les autres, le bilan s’avère du même ordre. La France insoumise se situe à 1,7 %, les socialistes atteignent 5,35 %, les Verts 4,47 %, le Rassemblement national 6,54 %. Quant à ceux qui se proclament les grands vainqueurs, à savoir la droite, ils arrivent péniblement à 9,63 %.

Notre pays se retrouve donc plongé dans une démocratie locale qui relève désormais ouvertement de la supercherie institutionnelle. Cependant, cette situation ne s’explique pas vraiment en raison de la crise sanitaire. Les nations européennes voisines qui viennent de voter n’ont pas connu un tel naufrage. Les causes de notre débandade se trouvent ailleurs.

En premier lieu, l’abstention massive témoigne d’un immense sentiment d’inutilité. Les régions se posent en « bidules territoriaux ». Les sortants se trouvent réélus comme on garde une vieille concierge, par habitude et parce qu’il faut bien quelqu’un pour tenir la loge d’entrée. En deuxième lieu, il existe un profond rejet d’une classe politique qui ne donne absolument pas envie de lui faire charité du moindre bulletin de vote, tellement celle-ci apparaît uniquement centrée sur elle-même. En troisième lieu, les partis « hors les murs », Rassemblement national d’un côté, France insoumise de l’autre, s’enlisent. La France insoumise sombre dans des délires idéologiques qui n’intéressent personne. Le Rassemblement national se banalise au point de devenir une sorte de seconde droite bougonne, rabâchant l’identitaire, sans pensée économique.

Mais, surtout, nous récoltons les fruits des stratégies de campagne dites de la « terre brûlée ». Pousser l’électorat adverse à déserter les urnes en rendant les débats indignes, insipides ou désolants devient une méthode de conquête électorale. Il faut transformer la colère en dégoût. Chacun espère par là que le camp adverse s’abstiendra plus massivement que le sien. Chacun pense qu’ainsi, il pourra gagner le pouvoir, non pas en emportant l’adhésion des citoyens, mais en profitant du vide.

Forts de cette logique, sans la moindre honte, nos édiles régionaux s’apprêtent à poser leurs trônes sur les décombres de notre démocratie.

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