La Macronie : l’ordre du bla-bla permanent

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Depuis la rentrée scolaire, le Premier ministre Édouard Philippe prépare habilement la société française à l’approbation de sa réforme des régimes de retraite, bien qu’il se soit engagé à ne pas la lancer avant 2025, le 12 septembre, au 20 Heures de TF1. En réalité, le gouvernement veut gagner du temps en multipliant les rencontres avec les partenaires sociaux et des administrés : du logos qui dicte sa loi à Kronos. Depuis l'effet anesthésiant du grand débat national sur les gilets jaunes et leurs soutiens dès janvier dernier, le pouvoir extrême centriste devait nécessairement récidiver.

À cela s'ajoutent des discussions à n'en plus finir sur les plateaux de télévision, notamment ceux des chaînes d'information en continu. Toute la question est de savoir si cela n'est que le fruit d'un conditionnement métapolitique (culturel) ou bien une sophistique généralisée et pensée par le faux philosophe-roi Emmanuel Macron : le symbole même de la mort du politique imposant le régime du mot qui ne veut plus dire grand-chose. La synthèse des contraires comme seul credo grégaire : le fameux « en même temps », ou le néant perpétuel.

La société française tend, depuis Mai 68, à confondre volontiers la conversation avec la discussion. De façon plus générale, la dialectique, tant vantée par les pères de la philosophie que furent Platon et Aristote, n'a jamais consisté à se dissoudre dans le débat permanent, cet exercice de joute oratoire sublimant le paraître au détriment de l'être. Car il ne s'agit plus que de cela sur les ondes radiophoniques et télévisuelles, celles-ci étant emplies d’experts de l'expertise. Par exemple, un professeur d'histoire-géographie doit, pour se montrer à tout prix sous injonction éditoriale, montrer sa science géopolitique sur le terrorisme islamique comme commenter l'homophobie supposée dans les stades de football… Drôle d'époque où il faut faire croire que seul le savoir est un pouvoir. Bien que le talent des uns, en la matière, ne puisse éclipser la médiocrité des autres, la prise de distance philosophique vaut, tout de même, mieux que le « zapping » compulsif. À vrai dire, l'actualité ne se commente pas mais se médite.

Un bon débat devrait, donc, être celui qui assoit l'opposition, sans pour autant sombrer dans le vain « clash ». Parce que la dialectique véritable n'est pas tant celle entre le même et le même que celle entre le même et l'autre. Ainsi, entre les confrontations creuses organisées par les succursales de LREM TV et le talk-show mettant en scène un catch verbal entre un ultra-sioniste et un salafiste masqué, il devrait y avoir un juste milieu. De plus, est-il vraiment utile de faire débattre un éditorialiste avec un sbire de l'extrême centre, ce dernier ne faisant que réciter les éléments de langage dictés par son parti ? À supposer que la Macronie introduise sciemment, dans l'inconscient collectif, de nouveaux mots comme « antispécisme », « féminicides », « islamophobie » ou « populisme », uniquement pour envahir le terrain médiatique.

Et, quand tout le monde aura appris à parler pour ne rien dire, les réformes les plus antisociales et les plus antinationales passeront comme une lettre à la poste des esprits engourdis. Voilà tout l'art du politique mi-habile ! En somme, comment encore croire en la force de la réaction contre l’inertie de l'inaction ? Un ultime sursaut face au charme de la résignation.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/09/2024 à 16:10.
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Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

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