« La France face à la guerre » : France 2 joue sur les peurs

Face à la « montée des tensions », la chaîne a déprogrammé en urgence Envoyé spécial et Complément d'enquête.
La France face à la Guerre médias
captureX

Branle-bas de combat à France Télévisions. Depuis le discours va-t-en-guerre d’Emmanuel Macron, mercredi 5 mars, tout l’audiovisuel public est sur le pont, le petit doigt sur la couture et l’index sur la détente. La fabrique de la peur tourne à plein régime.

C’est dans ce contexte d’aplaventrisme médiatique que France 2 proposera, ce jeudi 13 mars, en direct, après le journal de 20 heures, une édition spéciale de L’Événement : La France face à la guerre, présentée par Caroline Roux. Initialement, la chaîne devait diffuser de nouveaux numéros d’Envoyé spécial et de Complément d'enquête, mais « face à la montée des tensions internationales », les deux émissions phares ont été déprogrammées en catastrophe.

 

Comment la France se prépare-t-elle à un conflit ? Avec quel budget ? Par quelle magie compte-t-elle se reconstituer une armée alors que son service militaire a été suspendu il y a bientôt trente ans ? Autant de questions anxiogènes en diable auxquelles tenteront de répondre divers « experts » et autres « spécialistes de la défense » sélectionnés - avec la plus grande impartialité, à n’en pas douter - par France 2. La liste des invités politiques témoigne d’ailleurs d’un même souci de pluralisme : le ministre des Armées Sébastien Lecornu sera sur le plateau, en compagnie de Dominique de Villepin, Jean-Luc Mélenchon et Raphaël Glucksmann. Un centriste, un diplomate pro-palestinien et un homme d’extrême gauche, un homme de gauche en couple avec l’une des têtes d’affiche de France 2... Pas une seule figure de droite. Hervé Morin, François Fillon et David Lisnard, qui ont fait entendre une autre voix sur le dossier ukrainien, n’ont manifestement pas été sollicités. Pour une juste représentation du corps électoral et le respect de la diversité des opinions, il faudra repasser.

Une propagande cousue de fil bleu-blanc-rouge

Ce programme, censé « éclairer » des téléspectateurs vivant dans l’« inquiétude », n’est que l’une des nombreuses émissions consacrées au sujet de la guerre et de la « menace existentielle » représentée par Moscou, ces derniers jours, sur les antennes publiques. Le 9 mars dernier, le magazine En société de France 5 se demandait : « La France est-elle prête à se mobiliser face à la Russie ? ». Le lendemain, France Inter prenait la Finlande en exemple, un pays « à l'épreuve de la menace russe » qui se prépare à la guerre face à son « voisin devenu peu fréquentable ». Et, le mois précédent déjà, la même radio soufflait sur les braises, faisant mine de s’interroger : « Les Russes veulent-ils la guerre ? »

Mais les médias d’État n’ont pas le monopole des sujets au bellicisme assumé. Entre autres exemples, citons TF1, qui a appelé l’armée française à se tenir « prête » face à la menace ; Le Monde, qui s’est rendu « aux frontières nord de notre continent », là où des militaires se préparent à l’affrontement ; 20 Minutes, qui affirme que « la moitié des 18-30 ans prêts à s’engager dans l’armée en cas de conflit en France » ; ou encore Le Point, qui estime que seuls « les extrêmes et des personnalités comme François Fillon et Hervé Morin pensent que la menace russe est surjouée ». Autant de médias qui ne brillent d’ordinaire pas par leur patriotisme mais qui, depuis l’invasion de l’Ukraine, se sentent pousser des ailes nationalistes. Et les mêmes d’accuser de traîtrise, de félonie, voire de collaboration avec l’ennemi, tous ceux qui ne partagent pas leurs ardeurs belliqueuses.

Un écran de fumée qui tombe à pic

Il faut dire, aussi, que cette peur d’une guerre qui serait « à nos portes » ne pouvait pas mieux tomber. Non seulement le sujet assure aux télés de belles audiences – comme on l’a vu avec l’allocution présidentielle qui a rassemblé pas moins de 15 millions de téléspectateurs –, mais il permet en plus de faire diversion. Oublié, le sujet de l’Algérie et ses criminels sous OQTF qui courent, libres, dans nos rues ! Zappés, le malheureux Boualem Sansal et sa grève de la faim ! Invisibilisée, la guerre autrement plus urgente à mener contre les trafiquants de drogue ! Tous ces sujets ont été relégués au second plan, éclipsés par un conflit qui offre à Emmanuel Macron une belle remontée dans les sondages.

N’oublions pas que la prochaine élection présidentielle aura lieu dans deux ans. Il n’est jamais trop tôt pour faire jouer l’effet drapeau et mettre sous le boisseau d’autres thèmes moins payants, électoralement parlant.

Picture of Jean Kast
Jean Kast
Journaliste indépendant, culture et société

Vos commentaires

77 commentaires

  1. bis repetita! Ils nous ont déjà joué ce jeu-là il y a 5ans pour la grippette pangoline (revoir « Mal Traités » et « Hold-Up » qui expliquaient tout çà très bien). Ils recommencent le même jeu en croyant nous affoler (certains vont encore tomber dans le panneau). Ils recommencent à diaboliser les experts compétents mais pas d’accord sur le programme élyséen (Morin, Fillon, Guaino, …) comme ils avaient diabolisé les Raoult, Perronne……

  2. ils devraient tous être obligés de passer 1 semaine dans l’enfer de la guerre , dans le sang , les hurlements, les charniers provoqués par les explosions , après ils pourront parler

  3. La dramatisation collective et orchestrée de tous ceux qui n’ ont rien compris et veulent nous faire peur ,comme au temps du Covid!

  4. Encore des heures de bla bla bla ,remplis de poncifs éculés pour nous faire croire que la Russie est notre ennemi et qu’ elle va nous déclarer la guerre!
    C’ est affligeant!

  5. Jouer sur la peur lamentable et sur la vie de jeunes hommes et femmes mourir pour macron si vous croyez remonter dans les sondages avec une guerre qui ne nous regarde pas,honteux.

  6. Tabar 34 a très bien analysé et résumé la situation !
    Moi qui donna 27 mois de ma jeunesse « pour la France », maintenant je ne donnerais pas « un poil de mes mollets » pour cette pauvre france macronnisée.

  7. Ces personnes jouent sur la peur pour essayer de remonter dans les sondages c’est navrant et irresponsable

  8.  » Et les mêmes d’accuser de traîtrise, de félonie, voire de collaboration avec l’ennemi, tous ceux qui ne partagent pas leurs ardeurs belliqueuses. » Le gouvernement par la peur. Rien de nouveau depuis Machiavel.

  9. Cette mobilisation générale médiatique qui se déroule pendant que les grandes personnes essaient de faire la paix est une pure manipulation. N’ayons aucune illusion sur ce qui se passerait en cas de mobilisation guerrière. 20% des mobilisables repasseraient illico Presto la Méditerranée , 10% des plus diplômés traverseraient l’atlantique et le reste s’égayerait dans la nature compte tenu du niveau de patriotisme général. Heureusement Macron partirait sabre au clair.

    • Concernant Macron, je n’en suis pas si sûr ou alors, sa brillant éducation militaire aidant, il le tiendrait à l’envers.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Les partis de gauche sont des alliés très soumis à LFI
Marc Baudriller sur CNews
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois