Julien Rancoule : Au fil de l’Aude !

Julien Rancoule

« Vous êtes un pompier pyromane. » La réplique de Gérald Darmanin visant les rangs du Rassemblement national n’a rien de vraiment neuf. Il n’a échappé à personne que le locataire de la place Beauvau joue l’affrontement face au RN et soigne une rhétorique violente parfois blessante. Mais, comme souvent, en plus du caractère excessif, la flèche décochée par le Parthe de l’Intérieur a manqué sa cible. Car le député visé n’est autre que Julien Rancoule. Ce pompier volontaire de 29 ans a été élu, en juin 2022, député de la 3e circonscription de l’Aude et on peut dire qu’il s’y connaît, en incendie, tout comme en premiers secours. Depuis le début de son mandat, il a sauvé, dans l’exercice de ses fonctions, deux personnes victimes d’un infarctus. La première fois, c’était en octobre 2022, à l’ambassade d’Arménie. La deuxième fois, ce fut dans l’Hémicycle, lorsqu’il « ramena à la vie un agent du compte rendu de l’Assemblée nationale », se remémore le vice-président Sébastien Chenu.

Des gestes qui résument au fond assez bien le jeune député de l’Aude. Discret, bosseur et efficace sans pour autant dédaigner le contact et l’affrontement.

L’enfant du pays

Lorsqu’il parle d’inflation, de pauvreté et de déclassement, en bref de cet étouffement qui prend le 10 du mois des millions de Français, Julien Rancoule sait de quoi il parle. Fils de parents divorcés, il vit chez sa mère qui se bat pour élever dignement les siens malgré son petit salaire. Il rejoint le Front national en 2011, au grand désespoir de celle-ci, militante de gauche. « Quand je lui ai montré ma carte du FN, j’avais l’impression que je lui annonçais un cancer », sourit celui qui confesse « avoir la politique dans le sang ».  Un enfant du pays qui voit « des territoires aux mains de barons locaux s’appauvrir chaque jour davantage » ; un lien direct avec son engagement, puisque le député plaide aujourd’hui pour la ruralité. Il a déposé une proposition de loi demandant la création d'un fonds national de revitalisation pour venir en aide, justement, aux communes rurales que le Covid et l’inflation ont poussées à deux doigts de la ruine. « On a des élus locaux, parfois très à gauche, qui nous contactent pour le remercier », assure son compère de la circonscription voisine Christophe Barthès. Un sujet particulièrement prégnant dans l’Aude, deuxième département le plus pauvre de France. « Ici, pas de politique de la ville, pas de subventions pour emmener les gamins à la mer ou à la montagne... », souffle Rancoule, qui se démène pour faire survivre une circonscription comptant 291 communes.

En tout cas, en parallèle de sa carrière professionnelle et de son engagement de pompier volontaire, il gravit patiemment les échelons du militantisme : élections locales et municipales jusqu’à 2020 qui le voient entrer au conseil municipal de Limoux en tant qu’opposant. « Rien que le fait d’avoir réussi à monter une liste à Limoux, ville très rouge, c’était un exploit », loue son collègue Christophe Barthès. Avant de s’y présenter aux élections législatives. Une gageure, pour ne pas dire un combat perdu d’avance dans un département historiquement ancré à gauche et dans une circonscription connue pour être la moins acquise. Pas de quoi le décourager. « Julien, c’est un soldat », affirme Chenu, « toujours prêt au combat ». Car derrière le visage de Julien Rancoule, il y a tout un département qui, du jour au lendemain, a quitté la gauche pour donner ses trois circonscriptions au Rassemblement national. Et à la surprise générale, le département tomba. « Pour tout vous dire, on n’y a pas cru jusqu’aux résultats », rit Barthès au téléphone.

La bascule du territoire !

On vous avait déjà parlé de ce territoire avec le portrait du député Christophe Barthès. Car le parcours de Julien Rancoule explique en soi le lent grignotage d’un vote RN progressant avec le sentiment de déclassement de ce territoire. Ainsi, il suffit de regarder la progression du candidat FN puis RN au premier tour de l’élection législative dans la 3e circonscription de l’Aude : 4 % en 2007, 15 % en 2012, 18,5 % en 2017… Et puis 28 % en 2022 ! Une progression lente, inexorable, fruit d’un labourage de terrain de longue haleine par les militants locaux. Et quel symbole de voir les trois circonscriptions tomber en même temps ! Une surprise, surtout vue depuis Paris. Car, localement on ne s’y est jamais trompé. « Tu verras », soufflait Christophe Barthès à Sébastien Chenu, entre les deux tours, « si une circonscription passe, elles passent toutes ». En effet, preuve d’une forte identité audoise, les trois circonscriptions ont toujours voté pour la même famille politique. Uniformément PS depuis 1978, l’Aude est tombé dans l’escarcelle de LREM en 2017 (avec d’anciennes figures socialistes locales) puis RN en 2022. Une bascule qui s’explique par « le clientélisme à outrance de la gauche locale », pour Rancoule. Une analyse partagée par Barthès : « Le département de l’Aude crève de vieux socialistes qui s’accrochent à leur mandat et laissent pourrir le département. » Il n’en fallait pas plus pour le voir basculer. Dans ce bastion de gauche, Julien Rancoule y fit d’ailleurs la connaissance de… Victor Chabert ! L’ancien journaliste d’Europe 1 aujourd’hui responsable presse de Marine Le Pen et Jordan Bardella a commencé sa carrière au… Parti socialiste de Carcassonne. Les voilà réunis, cette fois, du même coté de la barricade nationale après s’être affrontés localement. Comme un signe du temps.

Faire sa place progressivement

Les trois députés de l’Aude sont donc montés à Paris. « C’est amusant parce qu’ils sont tous les trois très différents », sourit Chenu, qui détaille : « Le trentenaire, le quadragénaire et le quinquagénaire, le pompier, le chef d’entreprise et le vigneron... » Au RN, on l’aura compris, on se félicite de ces collègues qui, dans leur département, font front commun pour démultiplier la force de frappe et la visibilité du parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen pour enraciner définitivement la flamme dans ces terres rouges. À l’Assemblée, Rancoule « flambe peu et travaille beaucoup », affirme un de ses collègues qui loue « son sérieux et son humilité ». Julien Rancoule a en effet pris le temps de prendre ses marques et d’en maîtriser les codes. « On pensait qu’il serait pas mal dans l’ombre de Christophe Barthès », affirme un autre, en pensant sans doute au caractère plus truculent (et au gabarit plus imposant) du vétéran du trio de l’Aude. Mais il étonne par son sérieux. Celui qui siège à la commission de la Défense est reconnu pour sa connaissance des dossiers. « Je l’avais convié à une réunion avec des professionnels de l’armement qui ont été estomaqués par la précision des questions et la connaissance de Julien sur le sujet », se remémore Chenu, qui confie : « Ce jour-là, je me suis dit, ce garçon en a sous le pied ! »

Jordan Bardella l’avait annoncé lors d’une conférence de presse aux aurores de l’année 2023 : « Vous verrez dans les mois à venir des talents émerger au sein du groupe. » Entendu comme un vœu pieux, un pari ou une certitude, voire une obligation, les mots du président du RN ont été reçus par Julien Rancoule. Derrière le visage juvénile du député de l’Aude se hisse un parti de moins en moins diabolisé, de plus en plus visible et, surtout, sans le moindre complexe.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

Vos commentaires

10 commentaires

  1. Parmi les menteurs du gouvernement, Darmanin tient le pompon. Vivement la fin du deuxième mandat macronien pour pouvoir arriver à nous en débarrasser.

  2. RN de moins en moins diabolisé mais aussi plus grave de moins en moins opposant , ce n’est que mon avis .

  3. Je pense qu’il y a au RN beaucoup de femmes et d’hommes de qualité. Ils sont aussi, dans leur ensemble, beaucoup plus proche du peuple.

  4. Nous ne pouvons que souhaiter un bel avenir à ce jeune courageux, dévoué au service de son pays ! Il nous faudrait beaucoup, beaucoup, de jeunes gens de cet acabit, des jeunes qui sont encore capables de défendre les plus faibles et de servir la France. Nous avons eu récemment l’exemple d’Henri aussi, ce héros déjà oublié par nos zélites.

  5. Nous avons besoin de gens de terrain qui soient pleins de bon sens , contrairement à nos fameux  » Zélites » on a vu où ils nous ont mené. Un pays désindustrialisé , où règne l’insécurité et où le communautarisme remet en cause nos us et coutumes . Beaucoup d’élus du RN sont peut être issus d’un milieu moins  » huppé » que celui des LR ou de la macronie , mais Eux, ils savent ce que veulent dire chômage , inflation, désertification , insécurité , identité ….

  6. Exemple à suivre , mais Marine LePen a t’elle vraiment la volonté de sauver ce pays et de quitter cette UE . A voir …..

    • Vous posez en effet la vraie question! Quand on regarde de près son parcours, il n’y a vraiment peu de doute sur la réponse. Non !

    • plus le temps passe et plus j’en doute, à force de dédiaboliser le RN elle le vide de sa principale substance à savoir la lutte contre l’immigratiion.

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