L’ONU, qui n’a probablement que ça à faire de ses journées, vient de publier, ce 20 mars, son dixième rapport sur le « bonheur mondial », ou « World Happiness Report », dans la langue de William Shakespeare et de l’agent 007. Ça tombe bien, la journée en question étant justement celle du « bonheur ».

Si, un jour, il pouvait y avoir une journée sans journée, voilà qui pourrait enfin ressembler au bonheur ; mais là n’est pas la question. Historiquement, ce concept remonte à 1972, quand le Bhoutan, petit royaume enclavé entre Chine, Inde et Himalaya, avait alors théorisé le « bonheur national brut ». Logique, pour une nation peuplée de boute-en-train et non point de brutes.

À en croire le Top 50 de l’ONU, le champion du monde de la catégorie demeure la Finlande, suivie d’autres pays nordiques connus pour leur jovialité, tels que le Danemark, l’Islande, la Suède, la Norvège, et autres nations aux destins plus que particuliers : Suisse et Israël, dont la culture du bonheur et de la rigolade ne sont pas les qualités premières, notons-le. Quant à la France, elle ne pointerait qu’au 21e rang du bonheur plus haut évoqué. Une terre de ronchons et de « Gaulois réfractaires », donc ; même si loin du Liban et de l’Afghanistan, pointant en queue de peloton pour les raisons qu’on imagine.

Au fait, comment est calculé ce fameux indice de bonheur ? Pour la chercheuse Jinan Zeidan, citée par TF1, « le bonheur demeure un état d’esprit qui ne peut être mesuré de façon objective, comme on le fait pour la tension ou le poids ». Bien la peine d’être « chercheuse » pour trouver ça. Comme disait le général de Gaulle à propos du CNRS, dans une citation plus ou moins apocryphe : « Des chercheurs qui cherchent, on en trouve. Des chercheurs qui trouvent, on en cherche. » Et comme il faut bien chercher avant de trouver, Jinan Zeidan nous propose ces trois critères : « Santé, confort matériel et enfants ». C’est court ; mais c’est déjà ça.

Certes, mieux vaut rire en pleine forme dans une Rolls que chialer, souffreteux, dans une Twingo. Quant aux enfants, ils peuvent évidemment être source de mille félicités, mais également d’autant de malheurs. Bref, à question bête, réponse idiote.

En revanche, un autre « indicateur de bonheur » peut sembler un brin moins nigaud, relevé par un certain Mathieu Perona, directeur de l’Observatoire du bien-être, branche du Centre pour la recherche économique et ses applications : « Le sentiment d’être heureux, le sentiment que sa vie a du sens. » Quand on dirige un tel comité Théodule, l’interrogation prend effectivement tout son sens, tant il est vrai que de « sens », tant de nouveaux métiers n’en ont plus guère.

On sait ce que font un plombier et un journaliste : chercher des tuyaux. On comprend ce que peuvent faire un flic et un maraîcher : récolter des prunes. On voit bien à quoi peuvent servir un homme politique et une prostituée : promettre mille et une félicités à chacun et chacune. Mais un community manager ou un media-planner ? On cherche. Et on ne trouve pas.

Demeurons dans le registre taquin, quant à ce sentiment d’inutilité. D’un côté, des lois de plus en plus nombreuses mais de moins en moins respectées pour la sphère publique. De l’autre, un secteur privé dont les promesses sont tout aussi vaines : le job sera cool, grâce au happiness manager. Ou de l’art d’être moins payé pour un boulot qu’on est devenu incapable de définir, mais avec l’avantage de faire du yoga sous un drapeau arc-en-ciel. Une certaine vision du bonheur, dira-t-on.

Après, si les Français n’ont pas envie d’être heureux, c’est eux que ça regarde, jusqu’à preuve du contraire. Même si d’humeur traditionnellement bougonne, il n’est pas incongru de penser qu’ils puissent regretter le monde de naguère. En effet, s’il n’est pas sûr que c’était mieux hier, il est probable que ce soit pire aujourd’hui. D’où, éventuellement, leur actuelle humeur maussade.

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21 mars 2023

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35 commentaires

  1. Zut, j’ai loupé ça, moi qui voulais absolument fêter cette journée !!!

    Pour avoir bien connu la Finlande fut une époque, ils ont peut-être du bonheur dans le pays, mais ça ne saute pas de joie.

    Il faut dire que l’absorption de grosses quantités de vodka suffit peut-être à leur bonheur.

  2. Absurdes ces « journées »… à thèmes imposés et souvent ridicules ( mais toujours pleins de « bons sentiments » sociétaux).

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