Emmanuel Macron ne manque pas de culot. On le savait, mais on en a eu une nouvelle preuve, jeudi soir, lorsqu’il s’est adressé aux Français pour rendre hommage à Jacques Chirac.

« Le Président Chirac incarna une certaine idée de la France », nous a dit Emmanuel Macron. Rien de très original dans ce propos. Il n’a fait que paraphraser, comme beaucoup le font depuis plus d’un demi-siècle, le général de Gaulle. Et cette France, déclare Emmanuel Macron, c’est « une France indépendante et fière, capable de s’élever contre une intervention militaire injustifiée lorsqu’il refusa, en 2003, l’invasion de l’Irak sans mandat des Nations unies ». Ce refus de suivre les États-Unis d’Amérique, qui n’avaient sans doute pas compris grand-chose à l’« Orient compliqué », selon une autre formule de De Gaulle, a été l’« un des derniers actes de souveraineté d’un Président français », comme l’a souligné Marine Le Pen.

Emmanuel Macron ne manque donc pas de culot. N’est-ce pas lui, en effet, qui décida de frapper la Syrie, dans la nuit du 13 au 14 avril 2018, sans aucun mandat des Nations unies ? L’expédition aérienne fut, certes, heureusement de courte durée et de portée limitée, sans commune mesure avec l’engrenage funeste dans lequel l’Amérique s’embarqua et embarqua le Moyen-Orient et plus, en 2003, mais c’est un fait que la France de Macron fut exemplaire à suivre l’Amérique de Trump. Il s’agissait de répliquer aux attaques chimiques que le président Assad aurait déclenchées contre son peuple. On avait les preuves, nous disait-on. A-t-on le souvenir qu’après cette intervention, les ministres des Armées et des Affaires étrangères soient venus à l’Assemblée nationale pour apporter ces preuves qui justifièrent cette attaque ? Un clou chasse l'autre et on passa à autre chose.

En tout cas, au plan du droit international, qu’Emmanuel Macron est si prompt à brandir, on avait excipé d’une « légitimité internationale » qui n’avait pas vraiment convaincu l’opposition. On ne citera que Christian Jacob, chef du groupe LR à l'Assemblée : « Un membre permanent du Conseil de sécurité doit respecter le droit international. Que dirons-nous quand d'autres interviendront sans mandat de l'ONU ? » En fait de légitimité internationale, on avait la « ligne rouge » qu’Emmanuel Macron avait lui-même fixée en son début de mandat, comme nous l’avions souligné ici même. Un peu léger.

Emmanuel Macron, chantre du multilatéralisme, était intervenu, ce 14 avril 2018, de façon unilatérale en Syrie aux côtés des Américains et des Britanniques. Acte de souveraineté, diront certains. Mais faire acte de souveraineté signifie-t-il se moquer souverainement du droit international ? Pourquoi pas : on appelle ça la loi du plus fort. Était-ce cette « certaine idée du monde » qu’« incarna » Jacques Chirac, selon les mots mêmes du président de la République ? Nous ne sommes pas Emmanuel Macron pour faire parler les morts.

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29 septembre 2019 à 19:33

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